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SACRIFICES D’HOMMES.

voulait aller en enfer, voulait être damné, parce qu’une bête avait mangé son fils. Eh, pardieu ! c’était bien plutôt aux patriarches, frères de Joseph, à être damnés, s’ils avaient cru un enfer ; les monstres méritaient bien cette punition.

Un auteur connu[1] s’est étonné qu’on voie dans le Deutéronome une loi émanée de Dieu même touchant la manière dont un Juif doit pousser sa selle[2], et qu’on ne voie pas dans tout le Pentateuque un seul mot concernant l’entendement humain et une autre vie. Sur quoi cet auteur s’écrie : « Dieu avait-il plus à cœur leur derrière que leur âme ? » Nous ne voudrions pas avoir fait cette plaisanterie. Mais certes elle a un grand sens : elle est une bien forte preuve que les Juifs ne pensèrent jamais qu’à leur corps.

Notre Warburton s’est épuisé à ramasser, dans son fatras de la Divine Légation, toutes les preuves que l’auteur du Pentateuque n’a jamais parlé d’une vie à venir, et il n’a pas eu grande peine ; mais il en tire une plaisante conclusion, et digne d’un esprit aussi faux que le sien. Il imprime, en gros caractères, que « la doctrine d’une vie à venir est nécessaire à toute société ; que toutes les nations éclairées se sont accordées à croire et à enseigner cette doctrine ; que cette sage doctrine ne fait point partie de la loi mosaïque : donc la mosaïque est divine ».

Cette extrême inconséquence a fait rire toute l’Angleterre ; nous nous sommes moqués de lui à l’envi dans plusieurs écrits[3], et il a si bien senti lui-même son ridicule qu’il ne s’est défendu que par les injures les plus grossières.

Il est vrai qu’il a rassemblé dans son livre plusieurs choses curieuses de l’antiquité. C’est un cloaque où il a jeté des pierres précieuses, prises dans les ruines de la Grèce. Nous aimons toujours à voir ces ruines ; mais personne n’approuve l’usage qu’en a fait Warburton pour bâtir son système antiraisonnable.


CHAPITRE XXI.
Que la loi juive est la seule dans l’univers qui ait ordonné d’immoler des hommes.


Les Juifs ne se sont pas seulement distingués des autres peuples par l’ignorance totale d’une vie à venir ; mais ce qui les carac-

  1. Swift ou Collins ; voyez la note 2, tome XXVI, page 205.
  2. Ch. xxiii, v. 13. (Note de Voltaire.)
  3. Voltaire veut parler ici de ses propres écrits contre Warburton ; voyez tome XXVI, page 393 et suiv., et page 435.