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IMMORTALITÉ DE L’ÂME.

la plus grande certitude que le système d’une vie future, d’une âme immortelle, ne se trouve dans aucun endroit de ce livre. Il est sûr que presque toutes les nations dont les Juifs étaient entourés. Grecs, Chaldéens, Persans, Égyptiens, Syriens, etc., admettaient l’immortalité de l’âme, et que les Juifs n’avaient pas seulement examiné cette question.

On sait assez que, ni dans le Lévitique, ni dans le Deutéronome, le législateur qu’on fait parler ne les menace d’aucune peine après la mort, et ne leur promet aucune récompense. Il y a eu de grandes sectes de philosophes dans toute la terre, qui ont nié l’immortalité de l’âme, depuis Pékin jusqu’à Rome ; mais ces sectes n’ont jamais fait une législation. Aucun législateur n’a fait entendre qu’il n’y a de peine et de récompense que dans cette vie. Le législateur des Juifs, au contraire, a toujours dit, répété, inculqué, que Dieu ne punirait les hommes que de leur vivant. Cet auteur, quel qu’il soit, fait dire à Dieu même : Honorez père et mère afin que vous viviez longtemps[1] ; tandis que la loi des anciens Persans, conservée dans le Sadder, dit : « Chérissez, servez, soulagez vos parents, afin que Dieu vous fasse miséricorde dans l’autre vie, et que vos parents prient pour vous dans l’autre monde. » (Porte 13.)

« Si vous obéissez, dit le législateur juif[2], vous aurez de la pluie au printemps et en automne, du froment, de l’huile, du vin, du foin pour vos bêtes, etc. »

« Si vous ne gardez pas toutes les ordonnances[3], vous aurez la rogne, la gale, la fistule, des ulcères aux genoux et dans le gras des jambes. »

Il menace surtout les Juifs d’être obligés d’emprunter des étrangers à usure, et qu’ils seront assez malheureux pour ne point prêter à usure. Il leur recommande plusieurs fois d’exterminer, de massacrer toutes les nations que Dieu leur aura livrées, de n’épargner ni la vieillesse, ni l’enfance, ni le sexe ; mais pour l’immortalité de l’âme, il n’en parle jamais, il ne la suppose même jamais.

Les philosophes de tous les pays, qui ont nié cette immortalité, en ont donné des raisons telles qu’on peut les voir dans le troisième livre de Lucrèce ; mais les Juifs ne donnèrent jamais aucune raison. S’ils nièrent l’immortalité de l’âme, ce fut uni-

  1. Exode, XX, 12.
  2. Deut., XI, 14, 15.
  3. Ibid., xxviii, 35.