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DES GRECS, DE SOCRATE, ETC.

habillés en masque, se fouettent en l’honneur de ces beaux saints, au lieu d’adorer Dieu en hommes raisonnables.

Warburton, pour prouver que les Grecs avaient deux doctrines, l’une pour l’aréopage, et l’autre pour leurs amis, cite César, Caton, et Cicéron, qui dirent en plein sénat, dans l’examen du procès de Catilina, que la mort n’est point un mal, que c’est la fin de toutes les sensations, qu’il n’y a rien après nous. Mais César, Caton, et Cicéron, n’étaient pas Grecs. Expliquaient-ils ainsi leur doctrine secrète à trois ou quatre cents de leurs confidents en plein sénat ?

Cet évêque pouvait encore ajouter que dans la tragédie de la Troade, de Sénèque, le chœur disait secrètement au peuple romain assemblé (Troade, chœur à la fin du second acte) :

Post mortem nihil est, ipsaque mors nihil...
Quæris quo jaceas post obitum loco ?

Quo non nata jacent[1].

Rien n’est après la mort, la mort même n’est rien.

Après la vie où pourrai-je être ?
Où j’étais avant que de naître[2].

Quand on a fait sentir toutes ces disparates, toutes ces inconséquences de Warburton, il s’est fâché, il n’a répondu ni avec des raisons ni avec de la politesse ; il a ressemblé à ces femmes qu’on prend sur le fait, et qui n’en deviennent que plus hardies et plus méchantes :

. . . . . . . . . . . . Nihil est audacius illis
Deprensis.

(Juvén., sat. vi, v. 284.)

L’ardeur de son courage l’a emporté encore plus loin, comme nous le verrons en traitant de la religion juive.


  1. Cyrano de Bergerac, dans sa tragédie d’Agrippine, acte V, scène vi, fait dire à Séjan :

    Une heure après la mort, notre âme évanouie
    Devient ce qu’elle était une heure avant la vie. (K.)

  2. Voltaire donne une autre version de ces vers dans son opuscule De l’Âme, et encore une autre dans le paragraphe xxi de Un Chrétien contre six Juifs.