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PERPÉTUELLE.

dans l’Oronte ; qu’ils poursuivirent d’Antioche à Thessalonique l’impératrice Valéria, veuve de Galérius ; qu’ils hachèrent son corps en pièces, et jetèrent ses membres sanglants dans la mer.

C’est ainsi que ces doux chrétiens se préparèrent au grand concile de Nicée ; c’est par ces saints exploits qu’ils engagèrent le Saint-Esprit à décider, au milieu des factions, que Jésus était omousios à Dieu, et non pas omoiousios, chose très-importante à l’empire romain. C’est dans la dernière partie des actes de ce concile de discorde qu’on lit le miracle opéré par le Saint-Esprit pour distinguer les livres canoniques des livres nommés apocryphes. On les met tous sur une table, et les apocryphes tombent tous à terre.

Plût à Dieu qu’il ne fût resté sur la table que ceux qui recommandent la paix, la charité universelle, la tolérance, et l’aversion pour toutes ces disputes absurdes et cruelles qui ont désolé l’Orient et l’Occident ! Mais de tels livres, il n’y en avait point.

XIX.

L’esprit de contention, d’irrésolution, de division, de querelle, avait présidé au berceau de l’Église. Paul, ce persécuteur des premiers chrétiens, que son dépit contre Gamaliel son maître avait rendu chrétien lui-même ; ce fougueux Paul, assassin d’Étienne, avait fait éclater l’insolence de son caractère contre Simon Barjone. Immédiatement après cette querelle, les disciples de Jésus, qui ne s’appelaient pas encore chrétiens, se divisèrent en deux partis, l’un nommé les pauvres, l’autre les nazaréens. Les pauvres, c’est-à-dire les ébionites, étaient demi-juifs, ainsi que leurs adversaires : ils voulaient retenir la loi mosaïque ; les nazaréens, nommés ainsi de Jésus, originaire de Nazareth, ne voulurent point de l’Ancien Testament : ils ne le regardèrent que comme une figure du Nouveau, une prophétie continuelle touchant Jésus, un mystère qui annonçait un nouveau mystère. Cette doctrine, étant beaucoup plus merveilleuse que l’autre, l’emporta à la fin, et les ébionites se confondirent avec les nazaréens.

Parmi ces chrétiens, chaque ville syrienne, égyptienne, grecque, romaine, eut sa secte qui différait des autres. Cette division dura jusqu’à Constantin, et au temps du grand concile de Nicée, tous ces petits partis furent étouffés par les deux grandes sectes des omoiousiens et des omousiens, les premiers tenant pour Arius et Eusèbe, les seconds pour Alexandre et Athanase ; et c’était le procès de l’ombre de l’âne : personne n’y comprenait rien, Constantin lui-même avait senti le ridicule de la dispute, et