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PERPÉTUELLE.

putatif ; et ces deux généalogies sont absolument différentes dans les noms et dans le nombre de ses prétendus ancêtres : il est bien sûr, Sacrée Majesté, qu’une imposture si énorme et si ridicule aurait été pour jamais ensevelie dans la fange où le christianisme est né si les chrétiens n’avaient pas rencontré dans Alexandrie des platoniciens dont ils ont emprunté quelques idées, et s’ils n’avaient appuyé leurs mystères par cette philosophie dominante : c’est là ce qui les a fait réussir auprès de ceux qui se payent de grands mots et de chimères philosophiques.

« C’est avec je ne sais quelle trinité de Platon, avec je ne sais quels mystères emphatiques, touchant le verbe, qu’on en imposa à la multitude ignorante, avide de nouveautés. La morale de ces nouveaux venus n’est certainement pas meilleure que la vôtre et la nôtre ; elle est même pernicieuse. On fait dire à ce Jésus « qu’il est venu apporter la guerre, et non la paix[1] ; qu’il ne faut pas prier ses amis à dîner quand ils sont riches ; qu’il faut jeter dans un cachot celui qui n’aura pas une belle robe au festin ; qu’il faut contraindre les passants de venir à son festin[2] », et cent autres bêtises atroces de la même espèce.

« Comme les livres chrétiens se contredisent à chaque page, ils lui font dire aussi qu’il faut aimer son prochain, quoique ailleurs il prononce qu’il faut haïr son père et sa mère pour être digne de lui[3] ; mais par une erreur inconcevable, on trouve dans l’évangile attribué à Jean ces propres paroles : « Je fais un commandement nouveau[4], c’est de vous aimer les uns les autres. » Comment peut-il donner l’épithète de nouveau à ce commandement, puisque ce précepte est de toutes les religions, et qu’il est expressément énoncé dans la nôtre en termes infiniment plus forts : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même[5] » ?

« Vous voyez, magnanime empereur, comme, dans les choses les plus raisonnables, les chrétiens introduisent l’imposture et le déraisonnement. Ils couvrent toutes leurs innovations des voiles du mystère et des apparences de la sanctification. On les voit courir de ville en ville, de bourgade en bourgade, ameuter les femmes et les filles ; ils leur prêchent la fin du monde. Selon eux, le monde va finir ; leur Jésus a prédit que dans la génération où il vivait[6] la terre serait détruite, et qu’il viendrait dans les nuées avec une grande puissance et une grande majesté. L’apostat Saul

  1. Matth., ch. X, v. 34. (Note de Voltaire.)
  2. Luc, ch. xiv, v. 1-2. (Id.)
  3. Ibid., v. 26. (Id.)
  4. Jean, chap. xiii, verset 34. (Note de Voltaire.)
  5. Lévit., chap. xix. (Id.)
  6. Luc, chap. xxi, verset 27. (Id.)