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PERPÉTUELLE.

fiers, nec tanta superbia victis[1]. Nous pouvons nous comparer à des gueux sans rougir.

Nous voyons dans l’histoire de nos roitelets que le Dieu du ciel et de la terre envoya un prophète[2] pour élire Jéhu, hérétique, roitelet de Sichem, et même Hazael, roi de Syrie, tous deux messies du Très-Haut ; notre grand prophète Isaïe, dans son seizième capitulaire, appelle Cyrus messie ; notre grand prophète Ézéchiel, dans son vingt-huitième capitulaire, appelle messie et chérubin un roi de Tyr. Hérode, connu de Votre Majesté, a été appelé messie.

« Messie signifie oint. Les rois juifs étaient oints ; Jésus n’a jamais été oint, et nous ne voyons pas pourquoi ses disciples lui donnent le nom d’oint, de messie. Il n’y a qu’un seul de leurs historiens qui lui donne ce titre de messie, d’oint : c’est Jean[3] ou celui qui a écrit un des cinquante évangiles sous le nom de Jean. Or cet évangile n’a été écrit que plus de quatre-vingts ans après la mort de Jésus : jugez quelle foi on peut avoir à un pareil ouvrage.

« Jésus était un homme de la populace, qui voulut faire le prophète comme tant d’autres ; mais jamais il ne prétendit établir une loi nouvelle. Ceux qui se sont avisés d’écrire sa vie, sous le nom de Matthieu, Marc, Luc, et Jean, disent en cent endroits qu’il suivit la loi de Moïse. Il fut circoncis suivant cette loi ; il allait au temple suivant cette loi. « Je suis venu, dit-il, pour accomplir la loi qui a été donnée par Moïse ; vous avez la loi et les prophètes. La loi de Moïse ne doit point être détruite[4]. »

« Jésus n’était donc réellement qu’un de nos Juifs prêchant la loi juive. Il est dit, dans cette loi juive, qu’elle doit être éternelle. « N’y ajoutez pas un seul mot, et n’en ôtez pas un seul[5]. »

« Il y a plus ; nous voyons dans cette loi ces propres paroles : S’il s’élève au milieu de vous un prophète, ou quelqu’un qui dise avoir eu des visions en songe, et qu’il prédise des signes et des prodiges, et si ces signes et ces prodiges arrivent, et s’il vous dit : Suivons de nouveaux dieux, que ce prophète soit puni de mort… parce qu’il a voulu vous détourner de la voie que

  1. Virgile, Æn., I, 533.
  2. III. Rois, XIX, 15, 16.
  3. I, 41 ; et iv, 25.
  4. Jean, chapitre xxiii. (Note de Voltaire.) — L’évangile de saint Jean n’a que vingt et un chapitres ; dans les chapitres vii, 19, et x, 35, on trouve le sens de ce que dit Voltaire. (B.)
  5. Deutéron., chap. iv, 2. (Note de Voltaire.)