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LE CRI
DES NATIONS

Espagne, qui fus le berceau des jésuites ; parlements de France, qui, depuis l’institution de cette milice, armâtes toujours les lois contre elle ; Portugal, qui n’avez que trop éprouvé le danger de leurs maximes ; Naples, Sicile, Parme, Malte, qui les avez connus, vous en avez enfin purgé vos États ; non qu’il n’y eût parmi eux des hommes vertueux et utiles, mais parce qu’en général l’esprit de cet ordre était contraire aux intérêts des nations, et parce qu’en effet ils étaient les satellites d’un prince étranger.

C’est dans cette vue que la sagesse éclairée de presque toutes les puissances catholiques impose aujourd’hui le frein des lois à la licence des moines, qui se croyaient indépendants des lois mêmes. Cette heureuse révolution, qui paraissait impossible dans le siècle passé, quoiqu’elle fût très-aisée, a été reçue avec l’acclamation des peuples. Les hommes, étant plus éclairés, en sont devenus plus sages et moins malheureux. Ce changement aurait produit des excommunications, des interdits, des guerres civiles, dans des temps de barbarie ; mais dans le siècle de la raison l’on n’a entendu que des cris de joie.

Ces mêmes peuples, qui bénissent leurs souverains et leurs magistrats pour avoir commencé ce grand ouvrage, espèrent qu’il ne demeurera pas imparfait. On a chassé les jésuites, parce qu’ils étaient les principaux organes des prétentions de la cour de Rome : comment donc pourrait-on laisser subsister ces prétentions ? Quoi ! l’on punit ceux qui les soutiennent, et on se laisserait opprimer par ceux qui les exercent !

1. L’édition originale, ou que je crois telle, de cette pièce, a vingt pages in-8". Ce n’est qu’à la date du 12 juillet 1769 que les Mémoires secrets en parlent, mais l’opuscule est du mois de mai; je le conjecture du moins de ce que l’édition originale ne contient pas la note de Voltaire que l’on verra plus loin (page 567). ( B.)