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48 CONSEILS RAISONNABLES

Nous VOUS conseillons de laisser ces histoires avec celles de saint Paul l'ermite, k qui un corbeau apporta tous les jours pen- dant quarante ans la moitié d'un pain, et à qui il apporta un pain entier quand saint Antoine vint dîner avec lui ; avec l'histoire de saint Pacôme, qui faisait ses visites monté sur un crocodile ; avec celle d'un autre saint Paul ermite, qui, trouvant un jour un jeune homme couché avec sa femme, lui dit : « Couchez avec ma femme tant que vous voudrez, et avec mes enfants aussi ; » après quoi il alla dans le désert.

XXI.

Enfin, monsieur, vous regrettez que les possessions du diable, les sortilèges et la magie, « ne soient plus de mode » (ce sont vos expressions) ; nous joignons nos regrets aux vôtres. Nous con- venons en effet que l'Ancien Testament est fondé en partie sur la magie, témoin les miracles des sorciers de Pharaon, la pytho- nisse d'Endor, les enchantements des serpents, etc. Nous savons aussi que Jésus donna mission à ses disciples de chasser les diables; mais croyez-moi, ce sont là de ces choses dont il est convenable de ne jamais parler. Les papes ont très-sagement dé- fendu la lecture de la Bible : elle est trop dangereuse pour ceux qui n'écoutent que leur raison; elle ne l'est pas pour vous qui êtes théologien, et qui savez immoler la raison à la théologie ; mais quel trouble ne jette-t-elle pas dans un nombre prodigieux d'âmes éclairées et timorées ! Nous sommes témoins que votre livre leur imprime mille doutes. Si tous les laïques avaient le bonheur dêtre ignorants, ils ne douteraient pas. Ah! monsieur, que le sens comman est fatal!

XXII.

Vous auriez pu vous passer de dire que les apôtres et les dis- ciples ne s'adressèrent pas seulement à la plus vile populace, mais qu'ils persuadèrent aussi quelques grands seigneurs. Pre- mièrement, ce fait est évidemment faux. En second lieu, cela marque un peu trop d'envie de plaire aux grands seigneurs de l'Église d'aujourd'hui ; et vous savez trop bien que, du temps des apôtres, il n'y avait ni évêque intitulé monseigneur et doté de cent mille écus de rente, ni d'abbé crosse, mitre, ni serviteur des serviteurs de Dieu, maître de Rome et de la cinquième partie de l'Italie.

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