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456 ESSAI SUR LES DISSENSIONS

péchés, des superstitions et des friponneries de tant de moines, secoua enfin le joug appesanti depuis longtemps. Les Grecs avaient enseigné l'Église d'occident, les protestants la réformèrent.

Je ne prétends point parler ici des dogmes qui divisent les Grecs, les Romains, les évangéliques, les réformés, et d'autres communions. Je laisse ce soin à ceux qui sont éclairés d'une lu- mière divine. Il faut l'être sans doute pour bien savoir si le Saint- Esprit procède par spiration du Père et du Fils, ou du Fils seule- ment, lequel Fils étant engendré et n'étant point fait, ne peut pourtant engendrer. Il n'y a qu'une révélation qui puisse ap- prendre clairement aux saints comment on mange le Fils en corps et en àme dans un pain qui est anéanti, sans manger ni le Père ni le Saint-Esprit; ou comment le corps et l'âme de Jésus sont incorporés au pain, ou comment on mange Jésus par la foi. Ces ijuestions sont si divines qu'elles ne devraient point mettre la discorde entre ceux qui ne sont qu'hommes, et qui doivent se borner à vivre en frères et à cultiver la raison et la justice, sans se persécuter pour des mystères qu'ils ne peuvent entendre.

Tout ce que j'oserais dire en respectant les évêques de toutes les communions, c'est que ceux qui iraient à pied, de leur mai- son à l'église, prêcher la charité et la concorde, ressembleraient peut-être plus aux apôtres, au moins à l'extérieur, que ceux qui diraient quelques mots dans une messe en musique en quatre parties, entourés de hallebardiers et de mousquetaires, et qui ne sortiraient de l'église qu'au son des tambours et des trompettes.

Je me garderai bien d'examiner si celui qui naquit dans une étable entre un bœuf et un âne, qui vécut et qui mourut dans l'indigence, se plaît plus à la pompe et aux richesses de ses mi- nistres qu'à leur pauvreté et à leur simplicité. Nous ne sommes plus au temps des apôtres, mais nous sommes toujours au temps des citoyens : il s'agit de leurs droits, de la liberté naturelle, de l'exécution des lois solennelles, de la foi des serments, de l'intérêt du genre humain. Tout cela existait avant qu'il y eût des pré- lats, et existera encore si jamais (ce qu'à Dieu ne plaise) on a le malheur de se passer de prélatures. Les dignités peuvent s'abolir, les sectes peuvent s'éteindre; le droit des gens est éternel.

FAIT.

La religion chrétienne ne pénétra que très-tard chez les Sar- mates. La nation était guerrière et pauvre; le zèle des mission- naires la respecta. La Pologne, proprement dite, ne fut chrétienne

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