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DIATRIBES DE L’ABBÉ BAZIN.

ces Israélites, et qu’il punit par leurs mains les peuples de Chanaan. Il paraît à ces critiques que les Hébreux n’avaient aucun droit sur ce pays de Chanaan, et que, s’ils en avaient, ils n’auraient pas dû mettre à feu et à sang un pays qu’ils auraient cru leur héritage.

Ces audacieux critiques supposent donc que les Hébreux firent toujours leur premier métier de brigands. Ils pensent trouver des témoignages de l’origine de ce peuple dans sa haine constante pour l’Égypte, où l’on avait coupé le nez de ses pères, et dans la conformité de plusieurs pratiques égyptiennes qu’il retint, comme le sacrifice de la vache rousse, le bouc émissaire, les ablutions, les habillements des prêtres, la circoncision, l’abstinence du porc, les viandes pures et impures. Il n’est pas rare, disent-ils, qu’une nation haïsse un peuple voisin dont elle a imité les coutumes et les lois. La populace d’Angleterre et de France en est un exemple frappant.

Enfin ces doctes, trop confiants en leurs propres lumières, dont il faut toujours se défier, ont prétendu que l’origine qu’ils attribuent aux Hébreux est plus vraisemblable que celle dont les Hébreux se glorifient.

« Vous convenez avec nous, leur dit M. Toland, que vous avez volé les Égyptiens en vous enfuyant de l’Égypte, que vous leur avez pris des vases d’or et d’argent, et des habits. Toute la différence entre votre aveu et notre opinion, c’est que vous prétendez n’avoir commis ce larcin que par ordre de Dieu. Mais, à ne juger que par la raison, il n’y a point de voleur qui n’en puisse dire autant. Est-il bien ordinaire que Dieu fasse tant de miracles en faveur d’une troupe de fuyards qui avoue qu’elle a volé ses maîtres ? Dans quel pays de la terre laisserait-on une telle rapine impunie ? Supposons que les Grecs de Constantinople prennent toutes les gardes-robes des Turcs et toute leur vaisselle pour aller dire la messe dans un désert : en bonne foi, croirez-vous que Dieu noiera tous les Turcs dans la Propontide pour favoriser ce vol, quoiqu’il soit fait à bonne intention ? »

Ces détracteurs ne se contentent pas de ces assertions, auxquelles il est si aisé de répondre ; ils vont jusqu’à dire que le Pentateuque n’a pu être écrit que dans le temps où les Juifs commencèrent à fixer leur culte, qui avait été jusque-là fort incertain. Ce fut, disent-ils, au temps d’Esdras et de Néhémie. Ils apportent pour preuve le quatrième livre d’Esdras, longtemps reçu pour canonique ; mais ils oublient que ce livre a été rejeté par le concile de Trente. Ils s’appuient du sentiment d’Aben-Esra, et d’une