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MÉMOIRE. 3o9

et lui faire dire le contraire de ce qu'elle dit, c'est une étrange hardiesse, c'est sa méthode; en voici un exemple.

Il suppose que la princesse de Savoie, promise à Louis XIV, parla en ces termes à .Mademoiselle : « Mon mari me déferait de tout ce qui aurait le malheur de me déplaire: on ne m'aimerait pas en Aain; on ne me déplairait pas impunément. — Eh! mon Dieu, répondit Mademoiselle épouvantée, que direz-vous, que ferez- vous donc quand vous régnerez? » Il cite le tome IV, page U5; mais voici les propres paroles qu'on y trouve.

(( La princesse Marguerite se récria : « Ce que je comprends « le moins du monde est comment on peut être malheureuse « comme l'est ma sœur quand on a un mari qui vous aime bien. c( Pour moi, si j'étais à sa place, je voudrais que mon mari me « défît de tous les gens qui causeraient mon malheur, et je me « ferais valoir d'une manière que ma sœur ne fait pas. » Tout d'un coup elle se récria : (( Que je suis sotte de dire cela! vous c( avez tous deux ma vie entre vos mains. » Je lui répondis : n Pour « moi, je n'ai rien ouï. » Le maréchal dit : (( Pour moi, j'ai tout « entendu; cela ne fera aucun effet que de me faire connaître <( que vous avez bien de l'esprit et du mérite, et avoir dans mon « cœur beaucoup d'estime pour Aous et ne jamais dire pourquoi.»

Il est donc bien avéré que Mademoiselle ne dit rien de ce que cet homme lui fait dire. Il fait toujours parler le roi et les prin- cesses, et il les fait parler dans son style. Il prétend que M"*" Man- cini, nièce du cardinal Mazarin, dit au roi :« Quoil vous obéissez à un prêtre ! Je vous aime comme mes yeux; en Italie, au moins, je ne verrais pas mon amant gouverné en tout. »

On ne relève ces petitesses, assez indifférentes, que pour faire voir avec quelle fidélité ce La Beaumelle écrit l'histoire.

Ses héros et ses héroïnes agissent comme ils parlent.

On ne prétend point du tout ici s'abaisser à faire la critique d'un pareil livre; mais on doit faire connaître le personnage afin que les ministres et le public, sachant qui est cet homme auteur de tant de libelles, sachent aussi que ces libelles ne peuvent nuire.

On passe sous silence tous les contes ridicules et faits pour des femmes de chambre, dont ces rapsodies sont pleines. A la bonne heure qu'un homme sans éducation écrive des sottises; mais de quel front ose-t-il prétendre que le roi écrivit à M. d'Avaux, au sujet del'évasion des protestants : J/oi! royaume se purge; et que M. d'Avaux lui répondit: Il deviendra étique, etc.? Nous avons les lettres de M. d'Avaux au roi, et ses réponses: il n'y a certainement pas un mot de ce que ce menteur avance.

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