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HOMÉLIE SUR LE NOUVEAU TESTAMENT.

dit à ces pharisiens[1] : « Malheur à vous, guides aveugles, qui coulez le moucheron et qui avalez le chameau ! Malheur à vous, parce que vous nettoyez les dehors de la coupe et du plat, et que vous êtes au dedans pleins de rapines et d’impuretés[2] ! »

Il les appelle souvent[3] sépulcres blanchis, races de vipères. Ils étaient pourtant des hommes constitués en dignité. Ils se vengèrent par le dernier supplice. Arnaud de Brescia, Jean Hus, Jérôme de Prague, en dirent beaucoup moins des pontifes de leurs jours, et ils furent suppliciés de même. Ne choquez jamais la superstition dominante, si vous n’êtes assez puissants pour lui résister, ou assez habiles pour échapper à sa poursuite. La fable de Notre-Dame de Lorette est plus extravagante que toutes les métamorphoses d’Ovide, il est vrai ; le miracle de San-Genaro à Naples[4] est plus ridicule que celui d’Egnatia dont parle Horace, j’en conviens ; mais dites hautement à Naples, à Lorette, ce que vous pensez de ces absurdités, il vous en coûtera la vie. Il n’en est pas ainsi chez quelques nations plus éclairées : le peuple y a ses erreurs, mais moins grossières ; et le peuple le moins superstitieux est toujours le plus tolérant ;

Rejetons donc toute superstition afin de devenir plus humains ; mais en parlant contre le fanatisme, n’irritons point les fanatiques : ce sont des malades en délire qui veulent battre leurs médecins. Adoucissons leurs maux, ne les aigrissons jamais, et faisons couler goutte à goutte dans leur âme ce baume divin de la tolérance, qu’ils rejetteraient avec horreur si on le leur présentait à pleine coupe.

FIN DES HOMÉLIES.
  1. Matth., XXIII, 24, 25.
  2. Matth., xxiii. (Note de Voltaire.)
  3. Matth., xxiii, 27, 33.
  4. Voyez tome XIII, pages 96-97.