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DU NOUVEAU TESTAMENT. 333

cliant sur les têtes des princes prosternés; recommandant la miséricorde, et faisant couler le sang humain.

Si ces barbares trouvent dans l'Évangile quelque parabole dont le sens puisse être détourné en leur faveur par quelque in- terprétation frauduleuse, ils s'en saisissent comme d'une enclume sur laquelle ils forgent leurs armes meurtrières.

Est-il parlé de deux glaives suspendus à un plafond, ils s'ar- ment de cent glaives pour frapper. S'il est dit qu'un roi a tué ses bêtes engraissées!; a forcé des aveugles, des estropiés, de venir à son festin \ et a jeté celui qui n'avait pas sa robe nuptiale dans les ténèbres extérieures ^ est-ce une raison, mes frères, qui les mette en droit de vous enfermer dans des cachots comme ce convive, de vous disloquer les membres dans les tortures, de vous arracher les yeux pour vous rendre aveugles comme ceux qui ont été traînés à ce festin ; de vous tuer, comme ce roi a tué ses bêtes engraissées ? C'est pourtant sur de telles équivoques que l'on s'est fondé si souvent pour désoler une grande partie de la terre.

Ces terribles paroles * : (( Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive, » ont fait périr plus de chrétiens que la seule am- bition n'en a jamais immolé.

Les Juifs dispersés et malheureux se consolent de leur abjec- tion quand ils nous voient toujours opposés les uns aux autres depuis les premiers jours du christianisme, toujours en guerre ou publique ou secrète, persécutés et persécuteurs, oppresseurs et opprimés ; ils sont unis entre eux, et ils rient de nos querelles éternelles. Il semble que nous n'ayons été occupés que du soin de les venger.

Misérables que nous sommes ! nous insultons aux païens, et ils n'ont jamais connu nos querelles théologiques ; ils n'ont jamais versé une goutte de sang pour expliquer un dogme ; et nous en avons inondé la terre. Je vous dirai surtout, dans l'amertume de mon cœur : Jésus a été persécuté ; quiconque pensera comme lui sera persécuté comme lui. Car enfin, qu'était Jésus aux yeux des hommes, qui ne pouvaient certainement soupçonner sa divi- nité ? C'était un homme de bien qui, né dans la pauvreté, parlait aux pauvres contre la superstition des riches pharisiens et des prêtres insolents; c'était le Socrate de la Galilée. Vous savez qu'il

1. Matthieu, xxii, 4.

2. Luc, XIV, 23.

3. Matthieu, xxii, 13.

4. Matthieu, x, 3i.

26. — Mélanges. V. 23

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