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342 HOMÉLIE SUR L'INTERPRÉTATION

dans nos corps en soient abreuvées, mystère en tout point incom- préhensible, mais qui nous avertit du moins de ne point vivre dans le crime, si nous sommes nés dans le crime.

(( Et l'Éternel mit une marque sur Gain, afin que quiconque le trouverait ne le tuât point». » C'est ici surtout, mes frères, que les Pères sont opposés les uns aux autres. La famille d'Adam n'était pas encore nombreuse ; l'Écriture ne lui donne d'autres enfants qu'Abel.et Gain, dans le temps que ce premier fut assas- siné par son frère. Comment Dieu est-il obligé de donner une sauvegarde à Gain contre tous ceux qui pourront le punir? Remarquons seulement que Dieu pardonne à Gain un fratricide, après lui avoir donné sans doute des remords. Profitons de cette leçon; ne condamnons pas nos frères aux plus épouvantables sup- plices pour des causes légères. Quand Dieu daigne avoir de l'in- dulgence pour un meurtre abominable, fmitons le Dieu de miséricorde. On nous ol)jecle que Dieu, en pardonnant à un cruel meurtrier, damne à jamais tous les hommes pour la transgres- sion d'Adam, qui n'était coupable que d'avoir mangé d'un fruit défendu. Il semble à notre fail)le raison que Dieu soit injuste en flétrissant éternellement tous les enfants de ce coupable, non pas pour expier un fratricide, mais pour une désobéissance qui semble excusable. G'est, dit-on, une contradiction intolérable qu'on ne peut admettre dans l'Être infiniment bon ; mais cette contradiction n'est qu'apparente. Dieu, en nous livrant, nous, nos pères, et nos enfants, aux flammes pour la désobéissance d'Adam, nous envoie, quatre mille ans après, J-ésus-Ghrist pour nous délivrer, et il conserve la vie à Gain pour peupler la terre; ainsi il est partout le Dieu de justice et de miséricorde. Saint Augustin appelle la faute d'Adam une faute heureuse ; mais celle de Gain fut plus heureuse encore, puisque Dieu prit soin de lui mettre lui-même un signe qui était une marque de sa protec- tion.

Tu feras le comble de l'arche d'ime'coucUe de hauteur, etc.- Nous voici parvenus au plus grand des miracles, devant lequel il faut que la raison s'humilie et que le cœur se brise. Nous savons assez avec quelle audace dédaigneuse les incrédules s'élèvent contre le prodige d'un déluge universel.

G'est en vain qu'ils objectent que, dans les années les plus pluvieuses, il ne tombe pas trente pouces d'eau sur la terre pen-

��1. Genèse, iv, 15. (Note de Voltaire.

2. Genèse, vi, 10, etc. {Id.)

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