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DE L'ANCIEN TESTAMENT. 339

lequel brille cette prodigieuse quantité de soleils, autour desquels roulent des planètes très-supérieures à la nôtre. On sait que la lumière n'a pas été faite avant le jour, et que notre lumière vient du soleil. On sait que l'étendue solide entre les eaux supérieures et les inférieures, étendue qui, à la lettre, signifie firmament, est une erreur de l'ancienne physique adoptée par les Grecs. Mais, puisque Dieu parlait aux Juifs, il daignait s'abaisser à parler leur langage. Personne ne l'aurait certainement entendu dans le désert d'Horeb, s'il avait dit : (( J'ai mis le soleil au centre de votre monde; le petit globe de la terre roule avec les autres planètes autour de ce grand astre, par qui toutes les planètes sont illu- minées; et la lune tourne en un mois autour de la terre. Ces autres astres que vous voyez sont autant de soleils qui président à d'autres mondes, etc. »

Si l'éternel géomètre s'était exprimé ainsi, il aurait parlé digne- ment, il est vrai, en maître qui connaît son ouvrage; mais nul Juif n'aurait compris un mot à ces sublimes vérités. Ce peuple était d'un col roide, et dur d'entendement. Il fallut donner des aliments grossiers à un peuple grossier, qui ne pouvait être nourri que par de tels aliments. Il semble que ce premier chapitre de la Gemse fut une allégorie proposée par l'Esprit saint pour être expliquée un jour par ceux que Dieu daignerait remplir de ses lumières. C'est du moins l'idée qu'en eurent les principaux Juifs, puisqu'il fut défendu de lire ce livre avant vingt-cinq ans, afin que l'esprit des jeunes gens, disposé par les maîtres, pût lire l'ouvrage avec plus d'intelligence et de respect.

Les docteurs prétendaient donc qu'à la lettre le Nil, l'Euphrate, le Tigre, et l'Araxe, n'avaient pas en effet leurs sources dans le paradis terrestre; mais que ces quatre fleuves qui l'arrosaient signifiaient évidemment quatre vertus nécessaires à l'homme. Il était visible, selon eux, que la femme formée de la côte de l'homme était l'allégorie la plus frappante de la concorde inalté- rable qui doit régner dans le mariage; et que les âmes des époux doivent être unies comme leurs corps. C'est le symbole de la paix et delà fidélité qui doivent régner dans leur société.

Le serpent qui séduisit Eve, et qui était le plus rusé^ de tous les animaux de la terre, est, si nous en croyons Philon lui-même et plusieurs Pères, une expression figurée qui peint sensiblement nos désirs corrompus. L'usage de la parole, que l'Écriture lui prête, est la voix de nos passions qui parle à nos cœurs. Dieu

i. Genèse, m, i.

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