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CHAPITRE XX.


impostures. On fait encore prédire clairement ce Jésus dans tout l’article 18, après avoir fait dire à Lévi, dans l’article 17, que les prêtres des Juifs font le péché de la chair avec des bêtes[1].

On supposa le testament de Moïse, d’Énoch, et de Joseph, leur ascension ou assomption dans le ciel, celle de Moïse, d’Abraham, d’Elda, de Moda, d’Élie, de Sophonie, de Zacharie, d’Habacuc.

On forgea, dans le même temps, le fameux livre d’Énoch, qui est le seul fondement de tout le mystère du christianisme, puisque c’est dans ce seul livre qu’on trouve l’histoire des anges[2] révoltés qui ont péché en paradis, et qui sont devenus diables en enfer. Il est démontré que les écrits attribués aux apôtres ne furent composés qu’après cette fable d’Énoch, écrite en grec par quelque chrétien d’Alexandrie : Jude, dans son épître, cite cet Énoch plus d’une fois ; il rapporte ses propres paroles ; il est assez dépourvu de sens pour assurer[3] qu’Énoch, septième homme après Adam, a écrit des prophéties.

Voilà donc ici deux impostures grossières avérées : celle du chrétien qui suppose des livres d’Énoch, et celle du chrétien qui suppose l’épître de Jude, dans laquelle les paroles d’Énoch sont rapportées ; il n’y eut jamais un mensonge plus grossier.

Il est très-inutile de rechercher quel fut le principal auteur de ces mensonges accrédités insensiblement ; mais il y a quelque apparence que ce fut un nommé Hégésippe, dont les fables eurent beaucoup de cours, et qui est cité par Tertullien, et ensuite copié par Eusèbe. C’est cet Hégésippe qui rapporte que Jude était de la race de David, que ses petits-fils vivaient sous l’empereur Domitien. Cet empereur, si on le croit, fut très-effrayé d’apprendre qu’il y avait des descendants de ce grand roi David, lesquels avaient un droit incontestable au trône de Jérusalem, et par conséquent au trône de l’univers entier. Il fit venir devant lui ces illustres princes ; mais, ayant vu ce qu’ils étaient, des gueux de l’ostière, il les renvoya sans leur faire de mal.

  1. C’est une chose étonnante qu’il soit toujours parlé de la bestialité chez les Juifs. Nous n’avons, dans les auteurs romains, qu’un vers de Virgile (Buc., III, 8) :

     Novimus et qui te…


    et des passages d’Apulée où il soit question de cette infamie. (Note de Voltaire, 1771.)
  2. La fable du péché des anges vient des Indes, dont tout nous est venu ; elle fut connue des Juifs d’Alexandrie, et des chrétiens, qui l’adoptèrent fort tard. C’est la première pierre de l’édifice du christianisme. (Id.) — Le commencement de cette note jusqu’au mot adoptèrent inclusivement est de 1771 ; le reste, de 1775. (B.)
  3. Verset 14.