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DE LA SECTE CHRÉTIENNE, ET DE PAUL.


foire de Barthélémy[1], dégoûtée d’une ancienne farce qu’elle a trop souvent entendue, demande une farce nouvelle.

Si l’on en croit les propres livres des christicoles, Pierre, fils de Jone, demeurait à Joppé, chez Simon le corroyeur, dans un galetas où il ressuscita la couturière Dorcas.

Voyez le chapitre de Lucien, intitulé Philopatris, dans lequel il parle de ce Galiléen[2] au front chauve et au grand nez, qui fut enlevé au troisième ciel. Voyez comme il traite une assemblée de chrétiens où il se trouva. Nos presbytériens d’Écosse, et les gueux de Saint-Médard de Paris, sont précisément la même chose. Des hommes déguenillés, presque nus, au regard farouche, à la démarche d’énergumènes, poussant des soupirs, faisant des contorsions, jurant par le Fils qui est sorti du Père, prédisaient mille malheurs à l’empire, blasphémaient contre l’empereur. Tels étaient ces premiers chrétiens.

Celui qui avait donné le plus de vogue à la secte était ce Paul au grand nez et au front chauve, dont Lucien se moque. Il suffit, ce me semble, des écrits de ce Paul, pour voir combien Lucien avait raison. Quel galimatias quand il écrit à la société des chrétiens qui se formait à Rome dans la fange juive ! « La circoncision vous est profitable[3] si vous observez la loi ; mais si vous êtes prévaricateurs de la loi, votre circoncision devient prépuce, etc… Détruisons-nous donc la loi par la foi[4] ? à Dieu ne plaise ! mais nous établissons la foi… Si Abraham[5] a été justifié par ses œuvres, il a de quoi se glorifier, mais non devant Dieu. » Ce Paul, en s’exprimant ainsi, parlait évidemment en juif, et non en chrétien ; mais il parlait encore plus en énergumène insensé qui ne peut pas mettre deux idées cohérentes à côté l’une de l’autre.

  1. Bartholomew-fair, où il y a encore des charlatans et des astrologues. (Note de Voltaire, 1767.)
  2. Il est fort douteux que Lucien ait vu Paul, et même qu’il soit l’auteur du chapitre intitulé Philopatris. Cependant il se pourrait bien faire que Paul, qui vivait du temps de Néron, eût encore vécu jusque sous Trajan, temps auquel Lucien commença, dit-on, à écrire.

    On demande comment ce Paul put réussir à former une secte avec son détestable galimatias, pour lequel le cardinal Bembo avait un si profond mépris ? Nous répondons que sans ce galimatias même il n’aurait jamais réussi auprès des énergumènes qu’il gouvernait. Pense-t-on que notre Fox, qui a fondé chez nous la secte des primitifs appelés quakers, ait eu plus de bon sens que ce Paul ? Il y a longtemps qu’on a dit que ce sont les fous qui fondent les sectes, et que les prudents les gouvernent. (Note de Voltaire, 1771.) — Sur le Philopatris, voyez la note, tome XIX, page 594.

  3. Aux Rom., ii, 25.
  4. Ibid., iii, 31.
  5. Ibid., iv, 2.