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DE LA PERSONNE DE JÉSUS.


De tout temps ce peuple avait donné le nom d’oint, de messie, de christ, à quiconque leur avait fait un peu de bien : tantôt à leurs pontifes, tantôt aux princes étrangers. Le Juif qui compila les rêveries d’Isaïe lui fait dire[1], par une lâche flatterie bien digne d’un Juif esclave : « Ainsi a dit l’Éternel à Cyrus, son oint, son messie, duquel j’ai pris la main droite, afin que je terrasse les nations devant lui. » Le quatrième livre des Rois[2] appelle le scélérat Jehu oint, messie. Un prophète annonce à Hazaël[3], roi de Damas, qu’il est messie et oint du Très-Haut. Ézéchiel dit au roi de Tyr[4] : « Tu es un chérubin, un oint, un messie, le sceau de la ressemblance de Dieu. » Si ce roi de Tyr avait su qu’on lui donnait ces titres en Judée, il ne tenait qu’à lui de se faire une espèce de dieu ; il y avait un droit assez apparent, supposé qu’Ézéchiel eût été inspiré. Les évangélistes n’en ont pas tant dit de Jésus.

Quoi qu’il en soit, il est certain que nul Juif n’espérait, ne désirait, n’annonçait un oint, un messie, du temps d’Hérode le Grand, sous lequel on dit que naquit Jésus, Lorsqu’après la mort d’Hérode le Grand la Judée fut gouvernée en province romaine, et qu’un autre Hérode fut établi par les Romains tétrarque du petit canton barbare de Galilée, plusieurs fanatiques s’ingérèrent de prêcher le bas peuple, surtout dans cette Galilée, où les Juifs étaient plus grossiers qu’ailleurs. C’est ainsi que Fox[5], un misérable paysan, établit de nos jours la secte des quakers parmi les paysans d’une de nos provinces. Le premier qui fonda en France une église calviniste fut un cardeur de laine nommé Jean Leclerc. C’est ainsi que Muncer[6], Jean de Leyde, et d’autres, fondèrent l’anabaptisme dans le bas peuple de quelques cantons d’Allemagne.

J’ai vu en France les convulsionnaires instituer une petite secte parmi la canaille d’un faubourg de Paris. Tous les sectaires commencent ainsi dans toute la terre. Ce sont pour la plupart des gueux qui crient contre le gouvernement, et qui finissent ou

    aux Babyloniens. Les Juifs de Rome célébrèrent la fête d’Hérode jusqu’au temps de l’empereur Néron. Perse le dit expressément (sat. v, v. 180) :

    Herodis venere dies, unctaque fenestra
    Dispositæ pinguem nebulam vomuere lucernæ ;
    . . . . . . . . . . . . Tumet alba fidelia vino.

    (Note de Voltaire, 1771.)

  1. Isaïe, XLV, 1.
  2. C’est dans II. Paralip., xxii, 7.
  3. IV. Rois, VIII, 13.
  4. XXVIII, 12, 14, 16.
  5. Voyez tome XXII, page 88.
  6. Voyez tome XII, page 299.