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CHAPITRE VII.


et un rois du pays, c’est-à-dire trente et un capitaines de village qui avaient combattu pour leurs foyers contre cette troupe d’assassins. Si l’auteur de cette histoire avait formé le dessein de rendre les Juifs exécrables aux autres nations, s’y serait-il pris autrement ? L’auteur, pour ajouter le blasphème au brigandage et à la barbarie, ose dire que toutes ces abominations se commettaient au nom de Dieu, par ordre exprès de Dieu, et étaient autant de sacrifices de sang humain offerts à Dieu.

C’est là le peuple saint ! Certes, les Hurons, les Canadiens, les Iroquois, ont été des philosophes pleins d’humanité, comparés aux enfants d’Israël ; et c’est en faveur de ces monstres qu’on fait arrêter le soleil[1] et la lune en plein midi ! et pourquoi ? pour leur donner le temps de poursuivre et d’égorger de pauvres Amorrhéens déjà écrasés par une pluie de grosses pierres que Dieu avait lancées sur eux du haut des airs pendant cinq grandes lieues de chemin. Est-ce l’histoire de Gargantua ? est-ce celle du peuple de Dieu ? Et qu’y a-t-il ici de plus insupportable, ou l’excès de l’horreur, ou l’excès du ridicule ? Ne serait-ce pas même un autre ridicule que de s’amuser à combattre ce détestable amas de fables qui outragent également le bon sens, la vertu, la nature, et la Divinité ? Si malheureusement une seule des aventures de ce peuple était vraie, toutes les nations se seraient réunies pour l’exterminer ; si elles sont fausses, on ne peut mentir plus sottement.

Que dirons-nous d’un Jephté qui immole sa propre fille à son Dieu sanguinaire, et de l’ambidextre Aod qui assassine Églon son roi au nom du Seigneur, et de la divine Jahel, qui assassine le général Sizara avec un clou qu’elle lui enfonce dans la tête ; et du débauché Samson, que Dieu favorise de tant de miracles, grossière imitation de la fable d’Hercule ?

Parlerons-nous d’un lévite qui vient sur son âne avec sa concubine, et de la paille et du foin, dans Gabaa, de la tribu de Benjamin ? et voilà les Benjamites qui veulent commettre le péché de sodomie avec ce vilain prêtre, comme les Sodomites avaient voulu le commettre avec des anges[2]. Le lévite compose avec eux,

  1. Josué, chap. x, versets 11, 12, 13.
  2. L’illustre auteur a oublié de parler des anges de Sodome. Cependant cet article en valait bien la peine. Si jamais il y eut des abominations extravagantes dans l’histoire du peuple juif, celle des anges que les magistrats, les portefaix, et jusqu’aux petits garçons d’une ville, veulent absolument violer, est une horreur dont aucune fable païenne n’approche, et qui fait dresser les cheveux à la tête. Et on ose commenter ces abominations ! et on les fait respecter à la jeunesse ! et