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LES QUESTIONS

sonnier, et ayant composé avec lui, serait bien reçu à couper en pièces ce roi prisonnier.

42o Nous devons un grand respect à David, qui était un homme selon le cœur de Dieu ; mais je craindrais de manquer de science pour justifier, par les lois ordinaires, la conduite de David, qui s’associe quatre cents hommes de mauvaise vie, et accablés de dettes, comme dit l’Écriture[1] ; qui marche pour aller saccager la maison de Nabal, serviteur du roi, et qui, huit jours après, épouse sa veuve ; qui va offrir ses services à Achis, ennemi de son roi, et qui met à feu et à sang les terres des alliés d’Achis, sans pardonner ni au sexe ni à l’âge ; qui, dès qu’il est sur le trône, prend de nouvelles concubines ; et qui, non content encore de ses concubines, ravit Bethzabée à son mari, et fait tuer celui qu’il déshonore. J’ai quelque peine encore à imaginer que Dieu naisse ensuite en Judée de cette femme adultère et homicide que l’on compte entre les aïeules de l’Être éternel[2]. Je vous ai déjà prévenus sur cet article, qui fait une peine extrême aux âmes dévotes.

43o Les richesses de David et de Salomon, qui se montent à plus de cinq milliards de ducats d’or, paraissent difficiles à concilier avec la pauvreté du pays, et avec l’état où étaient réduits les Juifs sous Saül, quand ils n’avaient pas de quoi faire aiguiser leurs socs et leurs cognées. Nos colonels de cavalerie lèveront les épaules, si je leur dis que Salomon avait quatre cent mille chevaux dans un petit pays où l’on n’eut jamais et où il n’y a encore que des ânes, comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le représenter[3].

44o S’il me faut parcourir l’histoire des cruautés effroyables de presque tous les rois de Juda et d’Israël, je crains de scandaliser les faibles plutôt que de les édifier. Tous ces rois-là s’assassinent un peu trop souvent les uns les autres. C’est une mauvaise politique, si je ne me trompe.

45o Je vois ce petit peuple presque toujours esclave sous les Phéniciens, sous les Babyloniens, sous les Perses, sous les Syriens, sous les Romains ; et j’aurai peut-être quelque peine à concilier tant de misères avec les magnifiques promesses de leurs prophètes.

46o Je sais que toutes les nations orientales ont eu des prophètes, mais je ne sais comment interpréter ceux des Juifs. Que

  1. I. Rois, xxii, 2.
  2. Voyez ci-dessus, no 29, page 178.
  3. Voyez no 36, page 180.