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changé tant de fois l’ordre de la nature, et suspendu les lois éternelles en faveur de son peuple juif, ne put venir à bout de vaincre les habitants d’une vallée, parce qu’ils avaient des chariots. Serait-il vrai, comme plusieurs savants le prétendent, que les Juifs regardassent alors leur Dieu comme une divinité locale et protectrice, qui tantôt était plus puissante que les dieux ennemis, et tantôt était moins puissante ? Et cela n’est-il pas encore prouvé par cette réponse de Jephté[1] : « Vous possédez de droit ce que votre dieu Chamos vous a donné ; souffrez donc que nous prenions ce que notre dieu Adonaï nous a promis ? »

36o J’ajouterai encore qu’il est difficile de croire qu’il y eût tant de chariots armés de faux dans un pays de montagnes, où l’Écriture dit en tant d’endroits que la grande magnificence était d’être monté sur un âne.

37o L’histoire d’Aod me fait beaucoup plus de peine. Je vois les Juifs presque toujours asservis, malgré le secours de leur Dieu, qui leur avait promis avec serment de leur donner tout le pays qui est entre le Nil, la mer et l’Euphrate. Il y avait dix-huit ans qu’ils étaient sujets d’un roitelet nommé Églon, lorsque Dieu suscita en leur faveur Aod, fils de Géra, qui se servait de la main gauche comme de la main droite. Aod, fils de Géra, s’étant fait faire un poignard à deux tranchants, le cacha sous son manteau, comme firent depuis Jacques Clément et Ravaillac. Il demande au roitelet une audience secrète ; il dit qu’il a un mystère de la dernière importance à lui communiquer de la part de Dieu. Églon se lève respectueusement, et Aod, de la main gauche, lui enfonce son poignard dans le ventre. Dieu favorisa en tout cette action, qui, dans la morale de toutes les nations de la terre, paraît un peu dure. Apprenez-moi quel est l’assassinat le plus divin, ou celui de ce saint Aod, ou de ce saint David, qui fit assassiner son cocu Uriah, ou du bienheureux Salomon, qui, ayant sept cents femmes et trois cents concubines[2], assassina son frère Adonias parce qu’il lui en demandait une, etc., etc., etc., etc.

38o Je vous prie de me dire par quelle adresse Samson prit trois cents renards, les lia les uns aux autres par la queue, et leur attacha des flambeaux allumés au cul pour mettre le feu aux moissons des Philistins. Les renards n’habitent guère que les pays couverts de bois. Il n’y avait point de forêt dans ce canton, et il semble assez difficile de prendre trois cents renards en vie,

  1. Juges, xi, 24.
  2. III. Rois, xi, 3.