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traites d’athée l’adorateur le plus résigné de la Divinité ; tu intentes cette accusation horrible contre l’auteur de la Henriade, poëme qui est le triomphe de la religion catholique ; tu l’intentes contre l’auteur de Zaïre et d’Alzire, dont cette même religion est la base ; contre celui qui, ayant adopté la nièce du grand Corneille, ne la reçut dans une de ses maisons, située sur le territoire de Genève, qu’à condition qu’elle aurait toutes les facilités d’exercer la religion catholique. Tu le sais, puisque tes complices, pour gagner quelque argent, ont fait imprimer la lettre où il est dit expressément que cette demoiselle aura sur le territoire des protestants tous les secours nécessaires pour l’exercice de sa religion. Tu ne songeais pas que tu donnais ainsi des armes contre toi et tes consorts.

C’est ainsi que les Nonotte, les Patouillet, et autres Welches, ont traité d’athées les principaux magistrats français, et les plus éloquents : les Monclar, les Chauvelin, les La Chalotais, les Duché, les Castillon, et plusieurs autres. Mais aussi il faut considérer que ces messieurs leur ont fait plus de mal que M. de Voltaire.

Après l’exposé des bévues, des insolences, et des injures atroces prodiguées par Nonotte et par ses aides, quelques lecteurs seront bien aises de savoir quels sont les auteurs de ce libelle, et de tant d’autres libelles contre la magistrature de France. Voici la lettre d’un homme en place, écrite de Besançon le 9 janvier 1767 ; elle peut instruire.

« Jacques Nonotte, âgé de cinquante-quatre ans[1] est né, à Besançon, d’un pauvre homme qui était fendeur de bois et crocheteur. Il paraît à son style et à ses injures qu’il n’a pas dégénéré. Sa mère était blanchisseuse. Le petit Jacques, ayant fait le métier de son père à la porte des jésuites, et ayant montré quelque disposition pour l’étude, fut recueilli par eux, et fut jésuite à l’âge de vingt ans. Il était placé à Avignon en 1759. Ce fut là qu’il commença à compiler, avec quelques-uns de ses confrères, son libelle contre l’Essai sur les Mœurs, etc., et contre vous.

« L’imprimeur Fez en tira douze cents exemplaires. Le débit n’ayant pas répondu à leurs espérances. Fez se plaignit amèrement, et les jésuites furent obligés de prendre l’édition pour leur compte. Vous daignâtes, monsieur, vous abaisser à répondre à ce mauvais livre : cela le fit connaître, et a enhardi Nonotte et

  1. Claude-François (et non Jacques) Nonotte avait cinquante-six ans en 1767. Né en 1711, il est mort en 1793. (B.)