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les généraux de l’empereur Lothaire semblaient abandonner, se montra digne, en défendant Rome, d’y commander en souverain. Il avait employé les richesses de l’Église à réparer les murailles, à élever des tours, à tendre des chaînes sur le Tibre. Il arma les milices à ses dépens, engagea les habitants de Naples et de Gaïète à venir défendre les côtes et le port d’Ostie, sans manquer à la sage précaution de prendre d’eux des otages, sachant bien que ceux qui sont assez puissants pour nous secourir le sont assez pour nous nuire. Il visita lui-même tous les postes, et reçut les Sarrasins à leur descente, non pas en équipage de guerrier, ainsi qu’en avait usé Goslin, évêque de Paris, dans une occasion encore plus pressante, mais comme un pontife qui exhortait un peuple chrétien, et comme un roi qui veillait à la sûreté de ses sujets. Il était né Romain. Le courage des premiers âges de la république revivait en lui dans un temps de lâcheté et de corruption, tel qu’un des beaux monuments de l’ancienne Rome, qu’on trouve quelquefois dans les ruines de la nouvelle, »

Il a poussé l’amour de la vérité jusqu’à justifier la mémoire d’un Alexandre VI contre cette foule d’accusateurs qui prétendent que ce pape mourut du poison préparé par lui-même pour faire périr tous les cardinaux ses convives. Il n’a pas craint de heurter l’opinion publique, et de rayer un crime du nombre des crimes dont ce pontife fut convaincu. Il n’a jamais considéré, n’a chéri, n’a dit que le vrai ; il l’a cherché cinquante ans, et tu ne l’as pas trouvé.

Tu es fâché que le pape Benoît XIV lui ait écrit des lettres agréables, et lui ait envoyé des médailles d’or et des agnus par douzaines ! Tu es fâché que son successeur[1] l’ait gratifié, par la protection et par les mains d’un grand ministre, de belles reliques pour orner l’église paroissiale qu’il a bâtie ! Console-toi, Nonotte, et viens-y servir la messe d’un de tes confrères qui est l’aumônier du château. Il est vrai que le maître ne marchera pas à la procession derrière un jeune jésuite[2], comme on a fait dans un beau village de Montauban : il n’est pas de ce goût ; mais enfin vous serez deux jésuites.

Sæppe premente deo fert deus alter opem.
(Ovid., Trist., liv. I, el. ii, 1.)

Enfin, Nonotte, tu emploies l’artillerie des Garasse et des Hardouin, ultima ratio jesuitarum, et aliquando jansenistarum. Tu

  1. Clément XIII.
  2. Voyez tome XXIV, page 458.