Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Orléans, car j’aime cette pucelle, et bien d’autres l’aiment aussi[1]. Mais je te renvoie à une dissertation imprimée dans un ouvrage très-connu[2].

Apprends, Nonotte, comme il faut étudier l’histoire quand on ose en parler. Ne fais plus de Jeanne d’Arc une inspirée, mais une idiote hardie qui se croyait inspirée ; une héroïne de village, à qui on fit jouer un grand rôle ; une brave fille, que des inquisiteurs et des docteurs firent brûler avec la plus lâche cruauté. Corrige tes erreurs, et ne les mets plus sur le compte des autres. Souviens-toi du capucin qui, étant monté en chaire, dit à ses auditeurs : « Mes frères, mon dessein était de vous parler de l’immaculée conception ; mais j’ai vu affiché à la porte de l’église : Réflexions sur les défauts d’autrui, par le révérend père de Villiers, de la Société de Jésus[3]. Hé, mon ami ! fais des réflexions sur les tiens. Je vous parlerai donc de l’humilité. »

Tu crèves de vanité, Nonotte : on t’a fait l’honneur de répondre ; mais, pour t’inspirer un peu de modestie, sache que l’illustre Montesquieu daigna répondre à l’auteur des Nouvelles ecclésiastiques[4], à peu près comme le maréchal de La Feuillade battit une fois un fiacre qui lui barrait le chemin quand il allait en bonne fortune.

17o Oh ! oh ! Nonotte, tu veux brouiller l’auteur du Siècle de Louis XIV avec le clergé de France. Ceci passe la raillerie. « Il n’y a point, dis-tu à la page 224, d’hommes aussi méprisables que ceux qui forment ce corps nombreux. » Et, après avoir proféré ces abominables paroles, tu les imputes à l’auteur du Siècle de Louis XIV ! Sens-tu bien tout ce que tu mérites, calomniateur Nonotte ?

  1. Dans l’édition originale des Honnêtetés littéraires de 1767, on lisait : « … l’aiment aussi. Ce petit morceau sera utile au public qui se soucie fort peu de tes bévues et de tes querelles, mais qui aime l’histoire. Je tirerai les faits des auteurs contemporains, des actes du procès de Jeanne d’Arc, et de l’histoire très-curieuse de l’Orléanais, écrite par M. le marquis de Luchet, qui n’est pas un Nonotte. Paul Jove, etc. » (voyez tome XXIV, pages 497-503). En reproduisant ce morceau, en 1769, dans le tome X de son édition in-4o, Voltaire avait mis : « Il convient de mettre le lecteur au fait de la véritable histoire de Jeanne d’Arc surnommée la Pucelle. Les particularités de son aventure sont très-peu connues, et pourront faire plaisir au lecteur. Les voici. Paul Jove, etc. »

    C’est avec cette dernière version que le morceau faisait partie des Questions sur l’Encyclopédie (au mot Arc), en 1770 et 1775. (B.)

  2. Ici les éditeurs de Kehl renvoyaient à l’article Arc du Dictionnaire philosophique, où ils avaient placé ce morceau. (B.)
  3. Depuis abbé de Villiers, assez mauvais poëte. (Note de Voltaire.)
  4. Voyez le Remerciement sincère, tome XXIII, page 457.