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Samuel qui hacha en morceaux le roi Agag parce qu’il était trop gras : ce n’est pas là une raison. Vois-tu ? j’aime les rois, je les respecte, je ne veux pas qu’on les mette en hachis, et les parlements pensent comme moi ; entends-tu, Nonotte ?

6o Tu trouves qu’on n’a pas assez tué d’Albigeois et de calvinistes ; tu approuves le supplice de Jean Hus et de Jérôme de Prague, et celui d’Urhain Grandier, et tu ne dis rien de la mort édifiante du R. P. Malagrida, du R. P. Guignard, du R. P. Garnet, du R. P. Oldcorn, du R. P. Creton. Hé, mon ami, un peu de justice !

7o Ne t’enfonce plus dans la discussion de la donation de Pépin ; doute, ami Nonotte, doute ; et, jusqu’à ce qu’on t’ait montré l’original de la cession de Ravenne, doute, dis-je. Sais-tu bien que Ravenne en ce temps-là était une place plus considérable que Rome, un beau port de mer, et qu’on peut céder des domaines utiles en s’en réservant la propriété ? Sais-tu bien qu’Anastase le bibliothécaire est le premier qui ait parlé de cette propriété ? Croira-t-on de bonne foi que Charlemagne eût parlé, dans son testament, de Rome et de Ravenne comme de villes à lui appartenantes si le pape en avait été le maître absolu ?

J’avoue que saint Pierre écrivit une belle lettre à Pepin du haut du ciel, et que le saint pape envoya la lettre au bon Pepin, qui en fut fort touché ; j’avoue que le pape Étienne vint en France pour sacrer Pepin, qui ravissait la couronne à son maître, et qui s’était déjà fait sacrer par un autre saint ; j’avoue que le pape Étienne étant tombé malade à Saint-Denis fut guéri par saint Pierre et par saint Paul, qui lui apparurent avec saint Denis, suivi d’un diacre et d’un sous-diacre ; j’avoue même, avec l’abbé de Vertot, que le pape, qui avait enfermé dans un couvent Carloman, frère de Pepin, dépouillé par ce bon Pepin, fut soupçonné d’avoir empoisonné ce Carloman pour prévenir toute discussion entre les deux frères.

J’avoue encore qu’un autre pape trouva depuis, sur l’autel de la cathédrale de Ravenne, une lettre de Pepin qui donnait Ravenne au saint-siége ; mais cela n’empêche pas que Charlemagne n’ait gouverné Ravenne et Rome. Les domaines que les archevêques ont dans Reims, dans Rouen, dans Lyon, n’empêchent pas que nos rois ne soient les souverains de Reims, de Rouen, et de Lyon.

Apprends que tous les bons publicistes d’Allemagne mettent aujourd’hui la donation de la souveraineté de l’exarchat par Pepin avec la donation de Constantin. Apprends que la méprise vient