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Je vais vous donner un bon secret pour ne vous contredire jamais : c’est de ne rien dire du tout.

J’apprends que vous prétendez n’avoir rien dit de tout ce que je vous reproche dans cette lettre, et votre raison est que vous ne savez pas un mot de toutes ces choses. J’avoue que vous n’en savez rien, mais c’est précisément pour cela que vous en avez parlé.

Je serai toujours, sans me contredire, votre bon ami,

COVELLE.

VINGTIÈME LETTRE.
de m. beaudinet à mademoiselle ferbot.

Mademoiselle,

S’il est vrai que vous vous soyez prise de goût pour l’agréable M. Needham, comme le bruit en est grand dans toute la Suisse, et par conséquent dans tout l’univers, vous vous intéresserez vivement au triste événement qu’il a essuyé, et que je vais vous raconter avec ma candeur ordinaire.

Vous savez que M.  Needham, prêtre papiste, était allé en Souabe, chez Leurs Excellences M.  le comte et Mme  la comtesse de Hiss-Priest-Craft, dans l’espérance de les attirer à sa secte. Il passa imprudemment, et pour son malheur, par la ville de Neufchâtel. Le bruit se répandit aussitôt qu’un jésuite déguisé était arrivé parmi nous ; le consistoire s’assembla. Le modérateur avertit la compagnie que ce jésuite avait répandu à Genève plusieurs écrits scandaleux, comme parodies, notes théologiques, etc., que personne ne connaissait, dans lesquels écrits il osait avancer qu’il y a nombre d’erreurs de copistes dans les saintes Écritures.

Monsieur le modérateur fit habilement remarquer qu’en retranchant le mot de copiste il en résultait, selon le sieur Needham, que les saintes Écritures sont pleines d’erreurs. Il dénonça aussi plusieurs propositions téméraires, malsonnantes, offensives des oreilles pieuses, hérétiques, sentant l’hérésie.

Le consistoire, vivement alarmé, somma Needham de comparaître. Je fus présent à l’interrogatoire.

On lui demanda d’abord s’il était prêtre papiste. Il avoua hardiment qu’il l’était, qu’il célébrait sa synaxe tous les dimanches, qu’il faisait l’hocus pocus avec une dextérité merveilleuse ; il se