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tin, qui a vu la statue de sel en laquelle la femme de Loth fut changée, et des cellules des Septante, prétendus interprètes des livres juifs. Riez des miracles de saint Pacôme, que le diable tentait lorsqu’il allait à la selle, et de ceux de saint Grégoire Thaumaturge, qui se changea un jour en arbre. Ne faites nul scrupule, en adorant Dieu et en servant le prochain, de vous moquer des superstitions qui avilissent la nature humaine : riez des sottises ; mais éclatez contre la persécution. L’esprit persécuteur est l’ennemi de tous les hommes : il mène droit à l’établissement de l’Inquisition, comme le larcin conduit à être voleur de grand chemin. Un voleur ne vous ôte que votre argent ; mais un inquisiteur veut vous ravir jusqu’à vos pensées : il fouille dans votre âme ; il veut y trouver de quoi faire brûler votre corps. J’ai lu ces jours passés, dans un livre nouveau[1], qu’il y a un enfer, qu’il est sur la terre, et que ce sont les persécuteurs théologaux qui en sont les diables.

J’ai l’honneur d’être.

Monsieur,
Votre très-humble et très-obéissant
serviteur,
BEAUDINET.

DIX-SEPTIÈME LETTRE.
du proposant à m. covelle.

Monsieur,

Hier M. le jésuite irlandais Needham, en allant aux eaux de Spa, vint faire sa cour à Son Excellence, qui le retint à dîner. Admirez, je vous prie, la politesse de monseigneur et de madame : il y avait un pâté d’anguilles délicieux ; ils ordonnèrent qu’on ne le servît point parce que, depuis quelque temps, M. Needham se trouve un peu mal toutes les fois qu’on parle d’anguilles. Cette attention me charma. Voilà ce dont un cuistre, tel que j’ai pensé l’être, ne se serait jamais avisé. Voilà ce que je n’ai jamais lu dans certain catéchisme[2], où il n’est pas plus question de la politesse que de la Trinité.

  1. Le Catéchisme de l’honnête homme ; voyez tome XXIV, page 540.
  2. Catéchisme familier, par Vernet ; voyez la note, tome XXIV, page 436.