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les fermiers généraux, les rapines…[1]. Quand on écrit, poliment contre la religion, on y répond de même…[2]. Risu inepto[3] nihil ineptius[4].


NEUVIÈME LETTRE.

attribué au jésuite des anguilles, ou galimatias
dans le style du prêtre needham[5].

C’est le sieur Needham qui parle :

Tous les petits garçons de la ville frétillent autour de moi, et me demandent des miracles ; je leur dis : « Race d’anguilles[6], vous n’en aurez point d’autres que ceux de mon père saint Ignace, et de mon patron saint Patrice. » J’apprends que les impies se moquent de mon patron et de moi, dans la vénérable compagnie, au consistoire, et chez les repasseuses : cela ne m’ébranle point, et contra sic argumentor.

Monsieur le proposant croit tourner mon saint Patrice en ridicule, parce qu’il chauffait un four avec de la neige ; il n’y a certainement qu’un damné d’hérétique comme lui qui puisse insulter ainsi aux prodiges que le Seigneur a toujours opérés par ses élus ; qu’il lise ma dissertation sur ce miracle, imprimée dans le Journal chrétien, il verra qu’il est très-possible que la neige chauffe un four, quoique la chose soit miraculeuse.

Saint Patrice, par exemple, ne pouvait-il pas faire bouillir la neige avant de l’employer ? On me répondra qu’alors il n’y a plus de neige, que c’est seulement de l’eau chaude, et que si on attendait pour avoir du pain que le four chauffât de cette façon, on courrait risque de mourir de faim. D’accord ; mais c’est en cela précisément que le miracle consiste.

  1. Il est comique que ce Patagon connaisse les fermiers généraux de France. Il n’est pas moins comique qu’il en parle à un Irlandais, comme s’il y en avait en Irlande. (Note de Voltaire.)
  2. Je te dirai donc poliment que celui qui écrit que les animaux viennent sans germe écrit contre Dieu. (Note de M. Couture.) (Id.)
  3. Catulle a dit (xxxix, 16) : Nam risu inepto res ineptior nulla est.
  4. Sed risu conveniente nihil dulcius. (Note de M. Claparède.) (Note de Voltaire.)
  5. Cet intitulé est celui des réimpressions de 1765 et 1767. Dans l’édition originale, dans les éditions de Kehl et dans beaucoup d’autres, il y a seulement : Neuvième Lettre sur les miracles, écrite par le jésuite des anguilles. (B.)
  6. Progenies viperarum…, Matthieu, iii, 7 ; xii, 34-39 ; et xvi, 4. Voltaire traduit ici librement vipera par anguille, se souvenant sans doute de l’anguilla longœ cognata colubrœ, dont parle Juvénal, satire v, livre Ier. (Cl.)