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402 HISTOIRE

shérif et des jurés. Ils furent obligés de revoir le procès : il fut avéré que miss Canning était une petite friponne qui était allée accoucher, pendant qu'elle prétendait avoir été en prison chez M"'" Weh; et toute la ville de Londres, qui avait pris parti pour elle, fut aussi honteuse qu'elle l'avait été lorsqu'un charlatan proposa de se mettre dans une bouteille de deux pintes, et que deux mille personnes étant venues à ce spectacle, il emporta leur argent, et leur laissa sa bouteille.

Il se peut qu'on se soit trompé sur quelques circonstances de cet événement ; mais les principales sont d'une vérité reconnue de toute l'Angleterre.

��HISTOIRE DES CALAS.

Cette aventure ridicule serait devenue bien tragique s'il ne s'était pas trouvé un philosophe qui lut par hasard les papiers publics. Plût à Dieu que, dans un procès non moins absurde et mille fois plus horrible, il y eût eu dans Toulouse un philosophe au milieu de tant de pénitents blancs! On ne gémirait pas au- jourd'hui sur le sang de Tinnocence que le préjugé a fait ré- pandre.

Il y eut pourtant à Toulouse un sage qui éleva sa voix contre les cris de la populace effrénée, et contre les préjugés des ma- gistrats prévenus. Ce sage, qu'on ne peut trop bénir, était M. de Lasalle, conseiller au parlement, qui devait être un des juges.

Il s'expliqua d'abord sur l'irrégularité du monitoire; il con- damna hautement la précipitation avec laquelle on avait fait trois services solennels à un homme qu'on devait probablement traîner sur la claie : il déclara qu'on ne devait pas ensevelir en catho- lique et canoniser en martyr un mort qui, selon toutes les appa- rences, s'était défait lui-même, et qui certainement n'était point catholique. On savait que maître Chalier, avocat au parlement, avait déposé que Marc-Antoine Calas ( qu'on supposait devoir faire abjuration le lendemain) avait au contraire le dessein d'aller à Genève se proposer pour être reçu pasteur des églises protestantes.

Le sieur Caseing avait entre les mains une lettre de ce même Marc-Antoine, dans laquelle il traitait de déserteur sou frère Louis, devenu catholique : Notre déserteur, disait-il dans cette lettre, nous tracasse. Le curé de Saint-Étienne avait déclaré authcntiquement que Marc-Antoine Calas était venu lui demander un ccrtilicat de

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