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EXTRAIT DES SENTIMENTS

et qu’au contraire chacun de son côté prétend soutenir la vérité, le véritable moyen de bannir toutes erreurs, et de réunir tous les hommes en paix dans les mêmes sentiments et dans une même forme de religion, serait de produire ces preuves et ces témoignages convaincants de la vérité, et de faire voir par là que telle religion est véritablement d’institution divine, et non pas aucune des autres. Alors chacun se rendrait à cette vérité, et personne n’oserait entreprendre de combattre ces témoignages, ni soutenir le parti de l’erreur et de l’imposture, qu’il ne fût en même temps confondu par des preuves contraires ; mais comme ces preuves ne se trouvent dans aucune religion, cela donne lieu aux imposteurs d’inventer et de soutenir hardiment toutes sortes de mensonges.

Voici encore d’autres preuves qui ne feront pas moins clairement voir la fausseté des religions humaines, et surtout la fausseté de la nôtre.

DEUXIÈME PREUVE, TIRÉE DES ERREURS DE LA FOI.

Toute religion qui pose pour fondement de ses mystères, et qui prend pour règle de sa doctrine et de sa morale un principe d’erreurs, et qui est même une source funeste de troubles et de divisions éternelles parmi les hommes, ne peut être une véritable religion, ni être d’institution divine. Or les religions humaines, et principalement la catholique, pose pour fondement de sa doctrine et de sa morale un principe d’erreurs. Donc, etc. Je ne vois pas qu’on puisse nier la première proposition de cet argument : elle est trop claire et trop évidente pour pouvoir en douter. Je passe à la preuve de la seconde proposition, qui est que la religion chrétienne prend pour règle de sa doctrine et de sa morale ce qu’ils appellent foi, c’est-à-dire une créance aveugle, mais cependant ferme et assurée, de quelques lois, ou de quelques révélations divines, et de quelque divinité. Il faut nécessairement qu’elle le suppose ainsi, car c’est cette créance de quelque divinité et de quelques révélations divines qui donne tout le crédit et tout l’autorité qu’elle a dans le monde, sans quoi on ne ferait aucun état de ce qu’elle prescrirait. C’est pourquoi il n’y a point de religion qui ne recommande expressément à ses sectateurs[1]

  1. Estote fortes in fide. (Note de Voltaire.)

    — Saint Paul, dans sa première aux Corinthiens, xvi, 13, dit : State in fide,… et confortamini.