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DÉFENSE DU NEWTONIANISME.

l’attraction de la lumière et des corps, et l’attraction des planètes et du soleil, qu’on nomme gravitation, sont différentes.

De ce que Newton a découvert deux phénomènes admirables, il ne s’ensuit pas que ces phénomènes obéissent aux mêmes lois.

Il faut bien se mettre dans la tête que Newton a trouvé que les corps et les rayons de lumière agissent les uns sur les autres à des distances très-petites, et que les planètes agissent mutuellement les unes sur les autres à des distances très-grandes. L’action du soleil sur Saturne, sur Jupiter, sur la terre, est aussi différente de l’action d’un cristal auprès duquel et dans lequel un rayon s’infléchit, que ce rayon diffère en grosseur du globe de Saturne. Confondre l’attraction de la lumière avec celle des planètes, c’est n’avoir pas la plus légère idée des découvertes de Newton.

L’empressement ou l’esprit de parti qui a porté tant de personnes à critiquer la philosophie de Newton, avant de l’avoir étudiée, les a jetés ici dans une étrange contradiction.

D’un côté ils s’imaginent que la terre attire, selon Newton, la lumière de la substance du soleil, ce qui est ridicule ; de l’autre ils ne peuvent concevoir comment Newton admet l’émission de la lumière de la substance même du soleil, ce qui est pourtant fort aisé à comprendre.

Le grand Newton était convaincu, et M. Bradley a prouvé aussi depuis, que la lumière nous est dardée du soleil et des étoiles. La découverte connue de M. Bradley, qui démontre à la fois le mouvement de la terre et la progression de la lumière, nous fait voir que cette progression est uniformément la même ; qu’elle n’est point retardée dans son cours ; qu’elle parcourt également environ 33 millions de lieues par sept minutes, dans un cours uniforme de plus de six ans ; qu’ainsi il n’y a depuis les étoiles jusqu’à notre atmosphère aucune matière résistante : car, s’il y en avait, cette lumière serait retardée, et par conséquent la lumière nous est dardée de la substance des étoiles à travers un milieu non résistant. Il reste à voir à ceux qui raisonnent de bonne foi s’il est possible qu’un rayon de lumière vienne à nous pendant six ans sans se déranger, et sans retarder sa course à travers un plein absolu. Newton, ni aucun de ses disciples, n’ont donc, encore une fois, jamais imaginé que cette lumière du soleil et des étoiles nous vînt par attraction : ils enseignent tous qu’elle est dardée de la substance du globe lumineux.

Il est très-aisé de concevoir comment le soleil nous envoie ses rayons si rapidement ; il faut songer seulement ce que c’est qu’un