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MÉMOIRE SUR LA SATIRE.

magistrats ont vu la lettre de la veuve du président de Bernières, qui dément d’une manière si forte toutes les impostures du libelle ? Nous ne la rapportons point ici, parce que nous n’en avons point demandé la permission, comme nous avions demandé celle de la faire voir à M. le chancelier.

Enfin comment se pourrait-il faire que l’abbé Desfontaines osât dire qu’il n’a jamais eu aucune obligation au sieur de Voltaire ?

On n’a qu’à lire la lettre qu’il m’écrivit en sortant de l’endroit d’où je l’avais tiré : elle est écrite et signée de sa main ; le cachet est même presque entier.


« De Paris, ce 31 mai[1].

« Je n’oublierai jamais les obligations infinies que je vous ai. Votre bon cœur est bien au-dessus de votre esprit. Vous êtes l’ami le plus généreux qui ait jamais été. Que ne vous dois-je point ! etc., etc.

« L’abbé Nadal, l’abbé de Pons, Danchet, Fréret, se réjouissent ; ils traitent ma personne comme je traiterai toujours leurs indignes écrits. Ne pourriez-vous pas faire en sorte que l’ordre qui m’exile à trente lieues soit levé ? Voilà, mon cher ami, ce que je vous conjure d’obtenir encore pour moi. Je ne me recommande qu’à vous seul, qui m’avez servi, etc., etc. »


Après tant de preuves, je soutiendrai toujours qu’il faudrait que l’abbé Desfontaines, au moins, eût absolument perdu la mémoire pour avancer, contre un homme qui lui a rendu de tels services, des impostures si horribles et si aisées à confondre.

Mais, me dira-t-on, si vers le temps même où il vous avait les plus grandes obligations qu’un homme puisse avoir à un homme, il fit un libelle contre vous ; si vous avez plusieurs lettres des personnes auxquelles il montra cet écrit ; si l’on sait qu’il était intitulé Apologie de M. de Voltaire, et que cette apologie ironique et sanglante était un libelle diffamatoire contre vous et contre feu M. de Lamothe ; si lui-même, dans un autre libelle intitulé Pantalo Phobeana, page 73, a eu l’imprudence de citer cette apologie ironique[2] ; enfin, s’il a été capable d’une telle ingratitude quand le service était récent, que n’a-t-il point pu faire après plus de

  1. Ce fragment de lettre est dans le Mémoire, p. 37, avec quelques mots de plus.
  2. Voyez la note de Voltaire, page 39.