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DU DOCTEUR AKAKIA.

corps. C’est la première fois qu’un président a voulu tuer un de ses conseillers. Est-ce là le « principe de la moindre action » ? Quel terrible homme que ce président ! il déclare faussaire à gauche, il assassine à droite, et il prouve Dieu par A plus B, divisé par Z ; franchement on n’a rien vu de pareil. J’ai fait, monsieur, une petite réflexion : c’est que, quand le président m’aura tué, disséqué et enterré, il faudra faire mon éloge à l’Académie, selon la louable coutume. Si c’est lui qui s’en charge, il ne sera pas peu embarrassé. On sait comme il l’a été avec feu M. le maréchal Schmettau[1], auquel il avait fait quelque peine pendant sa vie. Si c’est vous, monsieur, qui faites mon oraison funèbre, vous y serez tout aussi empêché qu’un autre. Vous êtes prêtre, et je suis profane ; vous êtes calviniste, et je suis papiste ; vous êtes auteur, et je le suis aussi ; vous vous portez bien, et je suis médecin. Ainsi, monsieur, pour esquiver l’oraison funèbre, et pour mettre tout le monde à son aise, laissez-moi mourir de la main cruelle du président, et rayez-moi du nombre de vos élus. Vous sentez bien d’ailleurs qu’étant condamné à mort par son arrêt, je dois être préalablement dégradé. Retranchez-moi donc, monsieur, de votre liste ; mettez-moi avec le faussaire Koenig, qui a eu malheur d’avoir raison. J’attendrai patiemment la mort avec ce coupable.

.  .  .  .  .  .   Pariterque jacentes
Ignovere diis.

(Phars., II, 92-93.)

Je suis métaphysiquement, monsieur,

Votre très-humble et très-obéissant
serviteur,
AKAKIA.
FIN DE L’HISTOIRE DU DOCTEUR AKAKIA.
  1. Voyez la note 1 de la page 572.