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HISTOIRE

Ce beau et sage discours fini, M. le secrétaire perpétuel lut à haute voix la déclaration de M. le professeur Koenig, laquelle contenait en substance :

1o Qu’ayant travaillé toute sa vie à soumettre son imagination, à l’empire de la raison, il se confessait incapable de concevoir des idées aussi brillantes que l’étaient celles que le génie de M. le président avait enfantées dans ses lettres ; qu’il lui cédait la palme, et qu’il se reconnaîtrait toujours son inférieure cet égard.

2o Mais que, pour épargner dorénavant à M. le président des soupçons désagréables, il serait plus circonspect dans ses citations ; qu’il n’avancerait aucun fait relatif aux sciences, sans pouvoir le prouver par la signature d’un notaire juré et quatre témoins, gens de bonne vie ; que dans les dissertations sur le minimum de l’action, il ne rapporterait plus des fragments de lettres sans en avoir en main les originaux ; qu’aussi, pour faciliter le présent accommodement, il passerait à M. le président le principe qu’un écrit dont on ne peut pas produire l’original est un écrit forgé, sans le soupçonner pour cela de manquer de foi aux livres de notre sainte religion.

3o Que pour le bien de la paix, et comme un équivalent de l’honneur d’être de l’Académie de Berlin (auquel ce professeur s’était vu obligé de renoncer), il accepterait une profession de philosophie dans la ville latine que M. le président voulait fonder, dès qu’il saurait qu’on y aurait commencé à prêcher, à plaider, et à jouer la comédie en latin[1] ; et qu’en ce cas, il s’appliquerait de toutes ses forces à parler et à écrire dans le style des Epistolæ obscurorum virorum[2], afin d’y établir autant qu’il sera possible une latinité que M. le président puisse entendre.

4o Qu’en attendant, il mettrait une monade ou être simple à côté de chaque géant que M. le président apporterait à l’Académie ; qu’on disséquerait les uns et les autres pour voir si c’est dans ceux-ci ou dans celles-là que l’on peut découvrir le plus facilement la nature de l’âme.

5o Qu’au surplus, il consentait de grand cœur que tout le reste fût déclaré comme non avenu ; que les combattants des deux partis, sans exception, avouassent de bonne foi que chacun a été trop loin des deux côtés, et qu’ils auraient dû commencer par où le public finit, c’est-à-dire par rire.

  1. Voyez Lettres de Maupertuis, page 187. (Note de Voltaire.)
  2. Voyez, sur les Epistolœ, la seconde des Lettres à Son Altesse monseigneur le prince de ***.