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DÉFENSE

Il est dit dans ces journaux que son nom ne doit point avoir d’autorité en matière de religion et de morale. Quant à la morale, celui qui a fourni à l’admirable Pope tous les principes de son Essai sur l’Homme est sans doute le plus grand maître de sagesse et de mœurs qui ait jamais été ; quant à la religion, il n’en a parlé qu’en homme consommé dans l’histoire et dans la philosophie. Il a eu la modestie de se renfermer dans la partie historique, soumise à l’examen de tous les savants ; et l’on doit croire que si ceux qui ont écrit contre lui avec tant d’amertume avaient bien examiné ce que l’illustre Anglais a dit, ce qu’il pouvait dire, et ce qu’il n’a point dit, ils auraient plus ménagé sa mémoire.

Milord Bolingbroke n’entrait point dans des discussions théologiques à l’égard de Moïse ; nous suivrons son exemple ici en prenant sa défense.

Nous nous contenterons de remarquer que la foi est le plus sûr appui des chrétiens, et que c’est par la foi seule que l’on doit croire les histoires rapportées dans le Pentateuque. S’il fallait citer ces livres au tribunal seul de la raison, comment pourrait-on jamais terminer les disputes qu’ils ont excitées ? La raison n’est-elle pas impuissante à expliquer comment le serpent parlait autrefois ; comment il séduisit la mère des hommes ; comment l’ânesse de Balaam parlait à son maître, et tant d’autres choses sur lesquelles nos faibles connaissances n’ont aucune prise ? La foule prodigieuse de miracles qui se succèdent rapidement les uns aux autres n’épouvante-t-elle pas la raison humaine ? Pourra-t-elle comprendre, quand elle sera abandonnée à ses propres lumières, que les prêtres des dieux d’Égypte aient opéré les mêmes prodiges que Moïse, envoyé du vrai Dieu ; qu’ils aient, par exemple, changé toutes les eaux d’Égypte en sang, après que Moïse eut fait ce changement prodigieux ? Et quelle physique, quelle philosophie suffirait à expliquer comment ces prêtres égyptiens purent trouver encore des eaux à métamorphoser en sang, lorsque Moïse avait déjà fait cette métamorphose ?

Certes, si nous n’avions pour guide que la lumière faible et

    moins, tome IX, page 270, et tome X, page 353, des Remarques sur la Défense de milord Bolingbroke, pour servir de réponse à cette Défense ; et dans ces Remarques, l’auteur de la Défense est toujours désigné par les initiales M. de V. Ces Remarques sur la Défense de milord Bolingbroke sont celles mentionnées dans l’Avertissement de Beuchot placé en tête du Siècle de Louis XIV, tome XIV, page XI, n° v de la note 4. Le texte de la Défense, tel qu’on le lit dans la Bibliothèque raisonnée, présente des variantes courtes mais piquantes, que la prudence ordonnait peut-être encore aux éditeurs de Kehl de supprimer. Mais le texte a été rétabli, en 1822, dans l’édition de M. Lequien.