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SUR LE GOUVERNEMENT.

XVII. (V.)

Un roi qui n’est point contredit ne peut guère être méchant.

XVIII. (XVI.)

Quelques Anglais de province, qui n’ont voyagé qu’à Londres, s’imaginent que le roi de France, quand il est de loisir, envoie chercher un président, et, pour s’amuser, donne son bien à un valet de garde-robe.

XIX. (XVII.)

Il n’y a guère de pays au monde où les fortunes des particuliers soient plus assurées qu’en France. Le comte Maurice de Nassau, en partant de la Haye pour aller commander l’infanterie hollandaise, me demanda si on lui confisquerait les rentes qu’il avait sur l’Hôtel de Ville de Paris. « On vous payera, lui dis-je, précisément le même jour que le comte Maurice de Saxe[1], qui commande l’armée française ; » et cela était vrai à la lettre[2].

XX. (XVIII.)

Louis XI, pendant son règne, fit passer par la main du bourreau environ quatre mille citoyens : c’est qu’il n’était pas absolu, et qu’il voulait l’être. Louis XIV[3], depuis l’aventure du duc de Lauzun, n’exerça aucune rigueur contre personne de sa cour : c’est qu’il était absolu. Sous Charles II il y eut plus de cinquante têtes considérables coupées à Londres.

XXI. (XIX.)

Du temps de Louis XIII, il n’y eut pas une année sans faction. Louis le Juste était cruel. Il avait commencé à seize ans par faire

  1. Les rentes se payaient suivant l’ordre alphabétique des prénoms ou noms de baptême. (B.)
  2. Les Anglais instruits avouent que la France est celui des grands États de l’Europe, après l’Angleterre, où les propriétés sont le plus assurées ; et c’est par cette raison qu’elle est, après l’Angleterre, le pays le plus florissant. Ils pouvaient ajouter que c’est beaucoup moins à la constitution de l’Angleterre qu’ils doivent l’avantage d’une sûreté plus grande dans les propriétés, qu’à la vigueur avec laquelle les lois y sont exécutées. Si les propriétés sont moins assurées en France, ce n’est point parce que le gouvernement y est absolu ; c’est parce qu’il n’a pas toujours veillé avec exactitude au maintien des lois, qu’il ne les a pas défendues toujours avec assez de vigueur contre les prétentions ou les entreprises des corps puissants, qu’il ne s’est point assez occupé de perfectionner les lois. (K.)
  3. Dans les éditions de 1752 et 1754, on lisait : « Louis XIV, depuis l’aventure du marquis de Vardes, n’exila pas seulement une personne de sa cour : c’est qu’il était absolu. » L’aventure de Vardes était de 1669 ; celle de Lauzun, de 1669. (B.)