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SUR LE GOUVERNEMENT.

au genre humain l’outrage de justifier le meurtre de Monaldeschi, assassiné à Fontainebleau par l’ordre d’une Suédoise, sous prétexte que cette Suédoise avait été reine. Il n’y avait au monde que les assassins employés par elle qui pussent prétendre qu’il était permis à cette princesse de faire à Fontainebleau ce qui aurait été un crime dans Stockholm[1]

    Mémoires concernant Christine reine de Suède, quatre volumes in-4o, dont les deux premiers sont de 1751. (B.)

  1. 1. Dans l’édition de 1756, entre ce paragraphe et le suivant, il y avait les treize suivants que je rétablis :
    VII.

    « Ce gouvernement serait digne des Hottentots, dans lequel il serait permis à un certain nombre d’hommes de dire : C’est à ceux qui travaillent à payer ; nous ne devons rien parce que nous sommes oisifs.

    VIII.

    « Ce gouvernement outragerait Dieu et les hommes, dans lequel des citoyens pourraient dire : « L’État nous a tout donné, et nous ne lui devons que des prières. »

    IX.

    « La raison, en se perfectionnant, détruit le germe des guerres de religion. C’est l’esprit philosophique qui a banni cette peste du monde.

    X.

    « Si Luther et Calvin revenaient au monde, ils ne feraient pas plus de bruit que les scotistes et les thomistes. Pourquoi ? parce qu’ils naîtraient dans un temps où les hommes commencent à être éclairés.

    XI.

    « Ce n’est que dans des temps de barbarie qu’on voit des sorciers, des possédés, des rois excommuniés, des sujets déliés de leur serment de fidélité par des docteurs.

    XII.

    « Il y a tel couvent, inutile au monde à tous égards, qui jouit de deux cent mille livres de rente. La raison démontre que si on donnait ces deux cent mille livres à cent officiers, qu’on marierait, il y aurait cent bons citoyens récompensés, cent filles pourvues, quatre cents personnes au moins de plus dans l’État au bout de dix ans au lieu de cinquante fainéants. Elle démontre que ces cinquante fainéants, rendus à la patrie, cultiveraient la terre, la peupleraient, et qu’il y aurait plus de laboureurs et plus de soldats. Voilà ce que tout le monde désire, depuis le prince du sang jusqu’au vigneron. La superstition seule s’y opposait autrefois ; mais la raison, soumise à la foi, doit écraser la superstition.

    XIII.

    « Le prince peut, d’un seul mot, empêcher au moins qu’on ne fasse des vœux avant l’âge de vingt-cinq ans ; et si quelqu’un dit au souverain : « Que deviendront les filles de condition, que nous sacrifions d’ordinaire aux aînés de nos familles ? » le prince répondra : « Elles deviendront ce qu’elles deviennent en Suède, en Danemark, en Prusse, en Angleterre, en Hollande ; elles feront des citoyens ; elles sont nées pour la propagation, et non pour réciter du latin, qu’elles n’entendent pas. Une femme qui nourrit deux enfants, et qui file, rend plus de service à la patrie que tous les couvents n’en peuvent jamais rendre. »

    XIV.

    « C’est un très-grand bonheur pour le prince et pour l’État qu’il y ait beaucoup de philosophes qui impriment toutes ces maximes dans la tête des hommes.