Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/506

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
496
UN PLAIDEUR ET UN AVOCAT.

le plaideur.

Mais il me semble qu’en Angleterre il n’y a qu’une loi et qu’une mesure.

l’avocat.

Ne voyez-vous pas que les Anglais sont des barbares ? Ils ont la même mesure, mais ils ont en récompense vingt religions différentes.

le plaideur.

Vous me dites là une chose qui m’étonne. Quoi ! des peuples qui vivent sous les mêmes lois ne vivent pas sous la même religion ?

l’avocat.

Non, et cela seul prouve évidemment qu’ils sont abandonnés à leur sens réprouvé.

le plaideur.

Cela ne viendrait-il pas aussi de ce qu’ils ont cru les lois faites pour l’extérieur des hommes, et la religion pour l’intérieur ? Peut-être que les Anglais et d’autres peuples ont pensé que l’observation des lois était d’homme à homme, et que la religion était de l’homme à Dieu. Je sens que je n’aurais point à me plaindre d’un anabaptiste qui se ferait baptiser à trente ans ; mais je trouverais fort mauvais qu’il ne me payât pas une lettre de change. Ceux qui pèchent uniquement contre Dieu doivent être punis dans l’autre monde : ceux qui pèchent contre les hommes doivent être châtiés dans celui-ci.

l’avocat.

Je n’entends rien à tout cela. Je vais plaider votre cause.

le plaideur.

Dieu veuille que vous l’entendiez davantage !

FIN DU DIALOGUE ENTRE UN PLAIDEUR ET UN AVOCAT.