Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/465

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
455
DU CARDINAL DE RICHELIEU.

noie, l’un des critiques les plus éclairés du dernier siècle ; tous ont cru le Testament politique supposé.

XXIV. Mais, dit-on, en 1664, l’abbé Desroches, ancien domestique du cardinal de Richelieu, donna sa bibliothèque à la Sorbonne, à l’exemple de son maître ; et dans cette bibliothèque on trouve un manuscrit du testament conforme à l’imprimé, avec la même épître dédicatoire, et la même table des matières. C’est ce manuscrit même, remis à la Sorbonne, qui achève de prouver l’imposture. Il est remis vingt-deux ans après la mort du cardinal, sans aucun enseignement, sans la moindre indication de la part de l’abbé Desroches. Ce domestique du cardinal et la Sorbonne elle-même négligèrent cet ouvrage, et ce n’est que depuis deux ans qu’on lui a donné place sur des tablettes. Si le manuscrit avait été copié sur l’original, on l’aurait plus respecté ; on trouverait quelques marques de son authenticité ; on verrait à la fin de la lettre au roi la souscription du cardinal de Richelieu. Elle n’y est point. On n’a pas osé pousser l’effronterie jusqu’à signer ce nom. Pour peu que le cardinal eût laissé seulement quelques mémoires qui eussent eu quelque rapport (même éloigné) avec le testament, on les eût rapportés ; on eût donné quelque crédit à la hardiesse de celui qui imputait tout l’ouvrage à ce ministre. Mais non ; il n’y a pas un mot à la fin ni à la tête du manuscrit dont on puisse tirer la plus légère induction. Donc l’abbé Desroches regardait lui-même ce manuscrit avec la même indifférence qu’on l’a regardé très-longtemps dans la Sorbonne.

Imaginons un moment que le testament soit l’ouvrage du cardinal ; ce seul mot Testament impose un devoir indispensable à son domestique de légaliser la copie, de la déclarer juridiquement collationnée avec l’original. S’il manque à ce devoir, il est coupable : il donne à tout le monde le droit de s’inscrire en faux contre lui ; mais l’abbé Desroches possédait ce manuscrit au même titre que d’autres curieux. Il fallait bien que cet ouvrage fût écrit à la main avant d’être imprimé ; il fallait même, pour le dessein de l’imposteur, qu’il en courût plusieurs copies manuscrites, et qu’on se les prêtât avec mystère, comme un monument singulier. Le silence du domestique, encore une fois, prouve que le maître n’est point l’auteur du testament ; et toutes les autres raisons prouvent qu’il n’a pu l’être.

XXV. Mais on dit qu’on disait, il y a soixante et dix ans, que Mme la duchesse d’Aiguillon avait dit, il y a quatre-vingts ans, qu’elle avait eu une copie manuscrite de cet ouvrage. On a trouvé une note marginale de M. Huet ; et cette note dit qu’on