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CONTRE LE TESTAMENT POLITIQUE

nombrable. Il n’y a qu’à voir les Mémoires du comte de Grammont[1], pour se faire une idée de la manière dont on obtenait alors des bénéfices. Je n’examine pas si c’était un mal ou un bien de donner les revenus de l’Église à des séculiers ; mais je dis qu’un imposteur habile n’eût jamais fait parler le cardinal de Richelieu d’une réforme qui n’existait pas.

XV. Dans ce même second chapitre, le faiseur de projets, qui est indubitablement un homme d’Église, trop prévenu en faveur des prétentions du clergé, et trop peu jaloux des droits de la couronne, déclame contre le droit de régale. Il oubliait qu’en 1637 et en 1638 le cardinal de Richelieu avait fait rendre des arrêts du conseil par lesquels tout évêque qui se croirait exempt de ce droit était tenu d’envoyer au greffe les titres de sa prétention. Cet écrivain ne savait pas qu’un évêque ministre d’État s’intéresse plus aux droits du trône qu’aux prétentions ecclésiastiques. Il fallait connaître le caractère d’un premier ministre pour le faire parler. C’est l’âne qui se couvre de la peau du lion, et qu’on reconnaît bientôt à ses oreilles[2].

XVI. Le faussaire ignorant, dans ce même chapitre second, où il entretient le roi des universités et des colléges, au lieu de lui parler de ses vrais intérêts, dit dans son style grossier (chap. II, sect. x) : « L’histoire de Benoît XI, contre lequel les cordeliers piqués, sur le sujet de la perfection de la pauvreté, savoir, du revenu de saint François, s’animèrent jusqu’à tel point que non-seulement ils lui firent ouvertement la guerre par leurs livres, mais de plus par les armes de l’empereur, à l’ombre desquelles un antipape s’éleva, au grand préjudice de l’Église, est un exemple trop puissant pour qu’il soit besoin d’en dire davantage. » Certainement le cardinal de Richelieu, qui était très-savant, n’ignorait pas que cette aventure dont parle le faussaire était arrivée au pape Jean XXII, et non pas au pape Benoît XI. Il n’y a guère de fait dans l’Histoire ecclésiastique plus connu que celui-là : son ridicule l’a rendu célèbre ; il n’était pas possible que le cardinal s’y fût mépris. D’ailleurs, pour apprendre à un roi combien les querelles de religion sont dangereuses, on avait à citer cent exemples plus frappants.

XVII. Dans cette même section x du chapitre II, où il est question des jésuites : « Cette compagnie, dit-il, qui est soumise par un vœu d’obéissance aveugle à un chef perpétuel, ne peut, suivant les lois d’une bonne politique, être beaucoup autorisée dans

  1. Par Hamilton. Voyez au début du chapitre ii.
  2. La Fontaine, livre V, fable xxi.