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CONTRE LE TESTAMENT POLITIQUE

ne laissait point échapper dans ses écrits de paroles dures et indécentes. S’il agissait avec hardiesse, il écrivait de la manière la plus circonspecte. Il n’eût certainement pas appelé, dans un ouvrage politique, la marquise du Fargis, dame d’atour de la reine régnante, la Fargis (page 49). C’est manquer aux premières lois du respect et de la bienséance, en parlant au roi et à la postérité. Cette indigne expression est tirée d’un mauvais livre imprimé en 1640, intitulé Histoire du ministère du cardinal de Richelieu. L’auteur du testament a copié cet ouvrage de ténèbres, plus flétri sans doute par le mépris public que par l’arrêt qui le condamne.

Qui pourra se persuader qu’un premier ministre, qui suppose la paix faite avec l’Espagne, parle des Espagnols en ces termes : « Cette nation avide et insatiable, ennemie du repos de la chrétienté ? » C’est ainsi qu’on aurait pu parler de Mahomet II. Serait-il possible qu’un prêtre, un cardinal, un premier ministre, un homme sage, écrivant à un roi sage, et écrivant un testament qui devait être exempt de passion, se fût emporté (dans le temps de cette paix supposée) à des expressions qu’il n’avait pas employées dans la déclaration de la guerre ?

X. Est-il vraisemblable qu’un homme d’État qui se propose un ouvrage aussi solide dise que « le roi d’Espagne, en secourant les huguenots, avait rendu les Indes tributaires de l’enfer ; que les gens de palais mesurent la couronne du roi par sa forme, qui, étant ronde, n’a point de fin ; que les éléments n’ont de pesanteur que lorsqu’ils sont en leur lieu ; que le feu, l’air, ni l’eau, ne peuvent soutenir un corps terrestre, parce qu’il est pesant hors de son lieu » ; et cent autres absurdités pareilles, dignes d’un professeur de rhétorique de province dans le xvie siècle, ou d’un répétiteur irlandais qui dispute sur les bancs ?

XI. Y a-t-il encore une grande vraisemblance que le cardinal de Richelieu, si connu par ses galanteries, et même par la témérité de ses désirs[1], ait recommandé la chasteté à Louis XIII, prince chaste par tempérament, par scrupule, et par ses maladies ?

XII. Après de si fortes présomptions, quel homme de bon sens peut résister à cette preuve évidente de faux qui se trouve dans le premier chapitre, je veux dire à cette supposition que la paix est faite ? « Vous êtes parvenu, dit-on, à la conclusion de la paix… Votre Majesté n’est entrée dans la guerre…, etc., et n’en est sortie…, etc. » Un imposteur, dans la chaleur de la composition,

  1. Allusion à la prétendue passion de Richelieu pour la reine Anne d’Autriche, dont il aurait été rebuté.