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DES MENSONGES IMPRIMÉS.

de poudre d’or dans les sables que les fleuves roulent. On demandera ici le moyen de recueillir cet or ; le voici : Tout ce qui n’est conforme ni à la physique, ni à la raison, ni à la trempe du cœur humain, n’est que du sable ; le reste, qui sera attesté par des contemporains sages, c’est la poudre d’or, que vous cherchez.

XXIV, Hérodote raconte à la Grèce assemblée l’histoire des peuples voisins : les gens sensés rient quand il parle des prédictions d’Apollon et des fables de l’Égypte et de l’Assyrie ; il ne les croyait pas lui-même : tout ce qu’il tient des prêtres de l’Égypte est faux ; tout ce qu’il a vu a été confirmé. Il faut sans doute s’en rapporter à lui quand il dit aux Grecs qui l’écoutent : « Il y a dans les trésors des Corinthiens un lion d’or, du poids de trois cent soixante livres, qui est un présent de Crésus ; on voit encore la cuve d’or et celle d’argent qu’il donna au temple de Delphes : celle d’or pèse environ cinq cents livres ; celle d’argent contient environ deux mille quatre cents pintes. » Quelle que soit une telle magnificence, quelque supérieure qu’elle soit à celle que nous connaissons, on ne peut la révoquer en doute. Hérodote parlait d’un fait dont il y avait plus de cent mille témoins : ce fait d’ailleurs est très-important, parce qu’il prouve que, dans l’Asie mineure, du temps de Crésus, il y avait plus de magnificence qu’on n’en voit aujourd’hui ; et cette magnificence, qui ne peut être que le fruit d’un grand nombre de siècles, prouve une haute antiquité dont il ne reste nulle connaissance. Les prodigieux monuments qu’Hérodote avait vus en Égypte et à Babylone sont encore des choses incontestables.

XXV. Il n’en est pas ainsi des solennités établies pour célébrer un événement ; la plupart des mauvais raisonneurs disent : Voilà une cérémonie qui est observée de temps immémorial, donc l’aventure qu’elle célèbre est vraie ; mais les philosophes disent souvent : Donc l’aventure est fausse.

XXVI. Les Grecs célébraient les jeux pythiens, en mémoire du serpent Python, que jamais Apollon n’avait tué ; les Égyptiens célébraient l’admission d’Hercule au rang des douze grands dieux ; mais il n’y a guère d’apparence que cet Hercule d’Égypte ait existé dix-sept mille ans avant le règne d’Amasis, ainsi qu’il était dit dans les hymnes qu’on lui chantait. La Grèce assigna neuf étoiles dans le ciel au marsouin qui porta Arion sur son dos ; les Romains célébraient, en février, cette belle aventure. Les prêtres saliens portaient en cérémonie, le 1er  de mars, les boucliers sacrés qui étaient tombés du ciel quand Numa, ayant enchaîné Faunus et Picus, eut appris d’eux le secret de détourner