Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/373

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
363
DIALOGUES EN VERS.

Nous avons deux tragédies qui sont plus remplies de terreur, et qui, par des situations intéressantes, touchent le spectateur autant que celles de Corneille, de Racine, et de Voltaire : c’est Électre et Rhadamiste ; mais ces pièces, étant mal dialoguées et mal écrites, à quelques beaux endroits près, ne seront jamais mises au rang des ouvrages classiques qui doivent former le goût de la jeunesse : c’est pourquoi on ne les cite jamais quand on cite les écrivains purs et châtiés[1].

Le lecteur est au supplice lorsque, dès les premières scènes, il voit, dans Électre[2], Arcas qui dit à cette princesse :

Loin de faire éclater le trouble de votre âme,
Flattez plutôt d’Itys l’audacieuse flamme ;
Faites que votre hymen se diffère d’un jour :
Peut-être verrons-nous Oreste de retour.

Outre que ces vers sont durs et sans liaison, quels sens présentent-ils ? Ne pourrait-on pas flatter la passion d’Itys en montrant du trouble ? Ce n’est même que par son trouble qu’une fille peut flatter la passion de son amant. Il fallait dire : Loin de faire voir vos terreurs, flattez Itys ; mais quelle liaison y a-t-il entre flatter la flamme d’Itys, et faire que son hymen avec Itys se diffère ? Il n’y a là ni raisonnement ni diction, et rien n’est plus mauvais.

Ensuite Électre dit à Itys[3] :


Dans l’état où je suis, toujours triste, quels charmes
Peuvent avoir des yeux presque éteints dans les larmes ?
Fils du tyran cruel qui fait tous mes malheurs,
Porte ailleurs ton amour, et respecte mes pleurs.

itys.

Ah ! ne m’enviez pas cet amour, inhumaine !
Ma tendresse ne sert que trop bien votre haine.


Ce n’est pas là répondre. Que veut dire ne m’enviez pas mon amour ? En quoi Électre peut-elle envier cet amour ? Cela est inintelligible et barbare.

Clytemnestre vient ensuite, qui demande au jeune Itys si sa fille Électre se rend enfin à la passion de ce jeune homme ; et

  1. Encore un trait qui décèle Voltaire. (G. A.)
  2. Acte Ier, scène II.
  3. Acte Ier, scène III.