Nous avons deux tragédies qui sont plus remplies de terreur, et qui, par des situations intéressantes, touchent le spectateur autant que celles de Corneille, de Racine, et de Voltaire : c’est Électre et Rhadamiste ; mais ces pièces, étant mal dialoguées et mal écrites, à quelques beaux endroits près, ne seront jamais mises au rang des ouvrages classiques qui doivent former le goût de la jeunesse : c’est pourquoi on ne les cite jamais quand on cite les écrivains purs et châtiés[1].
Le lecteur est au supplice lorsque, dès les premières scènes, il voit, dans Électre[2], Arcas qui dit à cette princesse :
Loin de faire éclater le trouble de votre âme,
Flattez plutôt d’Itys l’audacieuse flamme ;
Faites que votre hymen se diffère d’un jour :
Peut-être verrons-nous Oreste de retour.
Outre que ces vers sont durs et sans liaison, quels sens présentent-ils ? Ne pourrait-on pas flatter la passion d’Itys en montrant du trouble ? Ce n’est même que par son trouble qu’une fille peut flatter la passion de son amant. Il fallait dire : Loin de faire voir vos terreurs, flattez Itys ; mais quelle liaison y a-t-il entre flatter la flamme d’Itys, et faire que son hymen avec Itys se diffère ? Il n’y a là ni raisonnement ni diction, et rien n’est plus mauvais.
Ensuite Électre dit à Itys[3] :
Dans l’état où je suis, toujours triste, quels charmes
Peuvent avoir des yeux presque éteints dans les larmes ?
Fils du tyran cruel qui fait tous mes malheurs,
Porte ailleurs ton amour, et respecte mes pleurs.
Ah ! ne m’enviez pas cet amour, inhumaine !
Ma tendresse ne sert que trop bien votre haine.
Ce n’est pas là répondre. Que veut dire ne m’enviez pas mon amour ? En quoi Électre peut-elle envier cet amour ? Cela est inintelligible et barbare.
Clytemnestre vient ensuite, qui demande au jeune Itys si sa fille Électre se rend enfin à la passion de ce jeune homme ; et