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DE SAINT LOUIS.

ment la campagne. Il n’y avait point de scandale qui ne fût autorisé par quelque loi barbare établie dans les terres de ces petits usurpateurs, qui avaient donné pour loi la bizarrerie de leurs divers caprices, La nuit de l’ignorance couvrait tout de ses ténèbres. Des mains étrangères envahissaient le peu de commerce que pouvait faire, et encore à sa ruine, un peuple sans industrie, abruti dans un stupide esclavage.

C’est dans ces temps sauvages, dans ces siècles d’anarchie, que Dieu tire des trésors de sa providence cette âme de Louis, qu’il revêt d’intelligence, de justice, de douceur, et de force. Il semble qu’il envoie sur la terre un de ces esprits qui veillent autour de son trône ; il semble qu’il lui dise : Allez porter la lumière dans le séjour de la nuit ; allez rendre justes et heureux des peuples qui ignorent la justice et la félicité.

Ainsi Louis est donné au monde. Une mère digne du trône, au-dessus du siècle où elle est née, cultive ce fruit précieux. L’éducation, cette seconde nature, si nécessaire aux avantages de la première, non-seulement capable de déterminer la manière de penser, mais peut-être encore celle de sentir ; l’éducation, dis-je, que Louis reçut de Blanche devait former un grand prince et un prince vertueux. Instruite elle-même de cette grande vérité, que la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse[1], elle instruisit son fils de la sainteté et de la vérité de la religion. Le cœur du jeune Louis prévenait toutes ces importantes leçons, et l’on peut dire que l’éducation qu’il reçut ne fut qu’un développement continuel du germe de toutes les vertus que Dieu avait mises dans cette âme privilégiée.

Quand Louis prend en main les rênes du gouvernement, il se propose de mettre l’ordre dans toutes les parties dérangées de l’État, et d’en guérir toutes les plaies.

Ce n’était pas assez de commander, il fallait persuader ; il fallait des ordonnances si claires et si justes que des vassaux qui pouvaient s’y opposer s’y soumissent. Il établit les tribunaux supérieurs qui réforment les jugements des premiers juges ; il prépara ainsi des ressources à l’innocence opprimée.

Lorsqu’il a rempli les premiers soins qu’il doit aux affaires publiques ; lorsque les travaux pénibles de la royauté ont un intervalle, il emploie ces moments à juger lui-même la cause de la veuve et de l’orphelin. Quelles voix ne l’ont pas célébré de siècle en siècle, assis sur un gazon, sous les chênes de Vincennes,

  1. Proverbes, chap. IX, 10 ; Ps. cx, 10.