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REMARQUES.

Aux traits de tes rivaux tu demeures[1] en butte ;
Ton élévation te fait craindre ta chute :
Chargé de ta grandeur, tu te plains de son poids,
Et tu souffres déjà les maux que tu prévois[2].
Politiques profonds, allez ourdir vos trames ;
Enfantez des projets, lisez au fond des âmes ;
Domptez vos passions[3], et maîtrisez vos vœux.
Au milieu des tourments[4] criez : Je suis heureux[5] ;
Et, de tous vos chagrins déguisant l’amertume,
Redoublez la douleur dont le feu vous consume.
Voyez cette montagne[6], où paissent les troupeaux.
Où la vigne avec pompe étale ses rameaux ;
La source qui jaillit y roule l’abondance[7].
Tout d’un calme profond présente l’apparence :
Ses coteaux sont fleuris, sa tête est dans les airs,
Et son superbe pied sert de voûte aux enfers.
C’est là qu’avec transport les plus tendres bergères,
Conduites par l’Amour, célèbrent ses mystères.
Ce bosquet est témoin de leurs premiers soupirs.
Ce bosquet fut témoin de leurs premiers plaisirs.
Flore vient y cueillir[8] les robes qu’elle étale.
C’est la qu’en doux parfums la volupté s’exhale,
Et c’est là qu’on n’entend d’autres gémissements
Que les soupirs poussés par les heureux amants :
Autels de leurs plaisirs, théâtre de l’ivresse,
Où les jeux de l’Amour consacrent leur faiblesse.
Tel[9] paraît au dehors ce mont audacieux
Qui roule le tonnerre en ses flancs caverneux.
Un phosphore pétri de soufre et de bitume
Par le souffle des vents avec fureur s’allume :
Ce feu, d’autant plus vif qu’il est plus comprimé,
Dévore la prison qui le tient enfermé.
Sois le plaisir des yeux[10], et l’ivresse de l’âme,

  1. Tu demeures, terme trop faible qui fait languir le vers. (Note de Voltalre.)
  2. Cela a été trop souvent, dit. (Id.)
  3. Domptez vos passions n’est pas fait pour les politiques rongés de la passion de l’envie, de l’ambition, de l’avarice, de l’intrigue, etc. (Id.)
  4. Au milieu des tourments. Quels tourments ? vous n’en avez pas parlé. (Id.)
  5. Jamais politique n’a crié : Je suis heureux. (Id.)
  6. Encore des apostrophes, encore ce manque de jointure, encore du lieu commun. (Id.)
  7. Qu’a de commun l’abondance d’une prairie avec ces politiques ? Gare l’églogue dans tout ce qui suit, non erat his locus. Quatre vers suffiront, mais il faut qu’ils disent beaucoup en peu, et il faut surtout des jointures. (Id.)
  8. Flore ne cueille point des robes, cela est trop fort. (Id.)
  9. Déclamation sans but. C’est le plus grand des défauts. (Id.)
  10. Il manque un vers. (Id.)