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PANÉGYRIQUE DE LOUIS XV.

les bras de ceux mêmes qui ont affaibli son commerce, et refusait l’alliance et la protection de ceux par qui son commerce florissait. Rien ne l’engageait dans la querelle : il pouvait même jouir de la gloire d’être médiateur entre les maisons de France et d’Autriche, entre l’Espagne et l’Angleterre ; mais la défiance l’aveugla, et ses propres erreurs l’ont perdu.

Ce peuple ne pouvait croire qu’un roi de France ne fût pas ambitieux. Le voilà donc qui rompt la neutralité qu’il a promise ; le voilà qui, dans la crainte d’être opprimé un jour, ose attaquer un roi puissant qui lui tendait les bras. En vain Louis XV leur répète à tous : Je ne veux rien pour moi ; je ne demande que la justice pour mes alliés ; je veux que le commerce des nations et le vôtre soit libre ; que la fille de Charles VI jouisse de l’héritage immense de ses pères, mais aussi qu’elle n’envie point la province de Parme à l’héritier légitime ; que Gênes ne soit point opprimée ; qu’on ne lui ravisse pas un bien qui lui appartient, et dont elle ne peut jamais abuser. Ces propositions étaient si modérées, si équitables, si désintéressées, si pures, qu’on ne put le croire. Cette vertu est trop rare chez les hommes ; et quand elle se montre, on la prend d’abord pour de la fausseté, ou pour de la faiblesse.

Il fallut donc combattre, sans que tant de nations liguées sussent en effet pourquoi l’on combattait. La cendre du dernier des empereurs autrichiens[1] était arrosée du sang des nations, et lorsque l’Allemagne elle-même était devenue tranquille, lorsque la cause de tant de divisions ne subsistait plus, les cruels effets en duraient encore. En vain le roi voulait la paix, il ne pouvait l’obtenir que par des victoires.

Déjà les villes qu’il avait assiégées s’étaient rendues à ses armes : il vole sous les remparts de Tournai avec son fils, son unique espérance et la nôtre. Il faut combattre contre une armée supérieure, dont les Anglais faisaient la principale force. C’est la bataille la plus heureuse et la plus grande par ses suites qu’on ait donnée depuis Philippe-Auguste ; c’est la première, depuis saint Louis, qu’un roi de France ait gagnée en personne contre cette nation belliqueuse et respectable, qui a toujours été l’ennemie de notre patrie, après en avoir été chassée. Mais cette victoire si heureuse, à quoi tenait-elle ? C’est ce que lui dit ce grand général[2] à qui la France a des obligations éternelles. En effet, l’histoire déposera que, sans la présence du roi, la bataille de Fontenoy

  1. Charles VI.
  2. Le maréchal de Saxe.