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PRÉFACE DE L’AUTEUR.

panégyrique, avait fait alors d’aussi grandes choses qu’il en a fait depuis. Ce sont deux victoires, c’est la paix donnée à l’Europe, qui ont rempli ce que sa première et glorieuse campagne avait fait espérer. En second lieu, quand l’auteur dit dans la même période que la crainte de perdre un bon roi imposait à ce grand prince la nécessité d’être le meilleur des rois, non-seulement il ne suppose pas là une vertu commune ; mais, s’exprimant en véritable citoyen, il fait sentir que l’amour de tout un peuple encourage les souverains à faire de grandes choses, les affermit encore dans la vertu, les excite encore à faire le bonheur d’une nation qui le mérite. Penser et parler autrement serait d’un misérable esclave, et les louanges des esclaves ne sont d’aucun prix, non plus que leurs services.

Le censeur dit que les Anglais ont été les dominateurs des mers de fait et non pas de droit. Il s’agit bien ici de droit ; il s’agit de la vérité, et de montrer que les Français peuvent être aussi redoutables sur mer qu’ils l’ont été sur terre.

Il avance que le goût de la dissertation s’empare quelquefois de l’auteur. Il y a dans tout l’ouvrage quatre lignes où l’on trouve une réflexion politique très-importante, une maxime très-vraie : c’est que les hommes réussissent toujours dans ce qui leur est absolument nécessaire, et on en pourrait donner cent exemples. L’auteur en rapporte trois en deux lignes, et voilà ce que le censeur appelle dissertation. On trouvera, dit-il, quelque chose de décousu dans le style. Ce mot trivial décousu signifie un discours sans liaison, sans transition ; et c’est peut-être le discours où il y en a davantage. Ce décousu, dit-il, est l’effet des antithèses ; et il n’y a pas deux antithèses dans tout l’ouvrage.

[1]Il y a d’autres injustices auxquelles on ne répond point ; ceux qui ont été fâchés qu’on ait célébré dans cet ouvrage les citoyens qui ont bien servi l’État, chacun dans son genre, méritent moins d’être réfutés que d’être abandonnés à leur basse envie, qui ajoute encore à l’éloge qu’ils condamnent.

  1. Dans la sixième édition, au lieu de ce dernier alinéa on lisait celui-ci :

    « Au reste, cet ouvrage a été traduit dans presque toute l’Europe ; il est juste qu’on loue dans toutes les langues celui qui a fait du bien à toutes les nations. »

    Voyez, sur les traductions du Panégyrique, la note 1, page 264.