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PRÉFACE DE L’AUTEUR.

tous ses points ; et il l’a écrit d’un style très-simple, parce qu’il n’avait rien à orner. Il a laissé à chaque citoyen le soin d’étendre toutes les idées dont il ne donne ici que le germe. Il y a peu de lecteurs qui, en voyant cet ouvrage, ne puissent beaucoup l’augmenter par leurs réflexions ; et le meilleur effet d’un livre est de faire penser les hommes. On a nourri ce discours de faits inconnus auparavant au public, et qui servent de preuves. Ce sont là les véritables éloges, et qui sont bien au-dessus d’une déclamation pompeuse et vaine. La lettre qu’on rapporte, écrite d’un prince au roi, est de monseigneur le prince de Conti, du 20 juillet 1744 ; celle du roi est du 19 mai 1745 ; en un mot, on peut regarder cet ouvrage, intitulé panégyrique, comme le précis le plus fidèle de tout ce qui est à la gloire de la France et de son roi ; et on défie la critique d’y trouver rien d’altéré ni d’exagéré.

À l’égard des censures qu’un journaliste[1] a faites, non du fond de l’ouvrage, mais de la forme, on commence par le remercier d’une réflexion très-juste sur ce qu’on avait dit que le roi de Sardaigne choisissait bien ses ministres et ses généraux, et était lui-même un grand général et un grand ministre. Il paraît en effet que le terme de ministre ne convient pas à un souverain[2].

À l’égard de toutes les autres critiques, elles ont paru injustes et inconsidérées ; dans une, on reproche à l’auteur d’avoir écrit un panégyrique dans le style de Pline plutôt que dans celui de Cicéron et dans celui de Bossuet et de Bourdaloue. Il dit que tout est orné d’antithèses, de termes qui se querellent, et de pensées qui semblent se repousser.

On n’examine pas ici s’il faut suivre dans un panégyrique Pline ; qui en a fait un, ou Cicéron, qui n’en a point fait ; s’il faut imiter la pompe et la déclamation d’une oraison funèbre dans le récit des choses récentes qui sont si délicates à traiter ; si les sermons de Bourdaloue doivent être le modèle d’un homme qui parle de la guerre et de la paix, de la politique et des finances. Mais on est bien surpris que le critique dise que tout est antithèses dans un écrit où il y en a si peu. À l’égard des termes qui

  1. Le P. Berthier, dans les Mémoires de Trévoux. Voyez, sur ce journal, la note, tome XXI, page 169.
  2. Voltaire a laissé subsister cette phrase malgré la critique, qu’il paraît ici regarder comme fondée, et nous croyons qu’il a eu raison de la conserver. (K.) — Voltaire a même, depuis, appliqué encore cette expression à Henri IV ; voyez la seconde des Homélies prêchées à Londres.