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REPRÉSENTATIONS

une telle conduite pourrait entraîner. Une république aussi sage et aussi humaine les préviendra sans doute, et ne brisera point ces liens qui laissent encore aux hommes quelque ombre des douceurs de la paix, au milieu même de la guerre.

Vous n’avez envisagé, dans l’article de la capitulation de Tournai, que ces mots qui expriment la promesse de ne pas servir, même dans les places les plus reculées. Ces termes seuls, et dégagés de ce qui les précède, pourraient en effet laisser peut-être à la garnison de Tournai la liberté de servir d’autres puissances, si on voulait oublier l’esprit du traité pour le violer, en s’en tenant en quelque sorte à la lettre.

Mais vous vous souvenez des expressions claires qui précèdent. Vous savez qu’il est dit que la garnison doit être dix-huit mois sans porter les armes, sans passer à aucun service étranger, sans faire, durant ce temps, aucun service militaire, de quelque nature qu’il puisse être.

Vous sentez que nulle interprétation ne peut altérer un sens si précis, et vous sentez encore mieux que des conditions si manifestes sont en effet l’expression de la volonté déterminée du roi mon maître, à laquelle la garnison de Tournai s’est soumise sans aucune restriction. Il a bien voulu, à ce prix seul, la laisser sortir avec honneur, pour vous donner une marque de sa bienveillance et de son estime. Il se flatte encore que vous n’altérerez point de tels sentiments en détruisant, par une interprétation forcée, les effets de sa générosité.

Il n’est permis à la garnison de Tournai de servir de dix-huit mois, en aucun lieu de la terre, à compter depuis sa capitulation.

Le roi mon maître atteste toutes les nations désintéressées ; et s’il y en a une seule qui puisse admettre le moindre subterfuge à ces mots, aucun service militaire, de quelque nature qu’il puisse être, il est prêt à oublier tous ses droits.

Mais une nation aussi éclairée et aussi équitable n’a besoin de consulter qu’elle-même. Vous manqueriez sans doute au droit des gens et au roi mon maître ; et il espère encore que les séductions de ses ennemis ne vous détermineront point à violer, en leur faveur, des lois qu’il est de l’intérêt de toutes les nations de respecter.

Vous ne souffrirez pas que ceux qui sont jaloux de votre heureuse situation vous entraînent dans une guerre contraire à la sagesse de votre gouvernement, en exigeant de vous une démarche plus contraire encore à votre équité.