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SUR DEUX ÉPÎTRES D’HELVÉTIUS.

IIe LEÇON.

Helvétius corrigea son épître ; il la commença ainsi :

Quel funeste pouvoir, quelle invisible chaîne,
Loin de la vérité retient l’homme et l’enchaîne ?
Est-il esclave-né des mensonges divers ?
Non. sans doute, et lui-même il peut briser ses fers ;
Il peut, sourd à l’erreur, écouter la sagesse,
S’il connaît ses tyrans, l’orgueil et la paresse[1].
.................
Zoroastre prétend[2] dévoiler les secrets
Au sein de la nature enfoncés à jamais.
Le premier en Égypte il attesta les mages
Que Dieu lui révélait la science des sages.
.................
Amant du merveilleux, faible, ignorant, crédule,
Le mage crut longtemps ce conte ridicule ;
Et Zoroastre ainsi, par l’orgueil inspiré,
Égara tout un peuple après s’être égaré[3].
Je ne viens point tracer à la raison humaine
La suite des erreurs où son orgueil l’entraîne ;
Mais lui montrer encor qu’en des siècles savants,
Burnet substitua sa fable à ces romans.
.................

    en métaphysique. Ces deux vers valent mieux qu’une épître de Boileau. (Note de Voltaire.)

    — Voltaire voulait, en 1738, donner à Paris une édition de ses Éléments de Newton, dans laquelle il aurait admis la Métaphysique (qui forme aujourd’hui la première partie des Éléments ; voyez tome XXII, page 403). Mais cette Métaphysique fut précisément le principal motif du refus du chancelier d’Aguesseau de permettre l’impression en France. Ce ne fut qu’en 1740 que cette Métaphysique fut imprimée séparément ; ce ne fut qu’en 1741 qu’elle fut imprimée en tête des Éléments. Voltaire ne se ressouvint plus de l’idée qu’il avait eue de citer les deux vers d’Helvétius.

  1. Ce commencement me paraît bien : il est clair, il est exprimé comme il faut. Peut-être le dernier vers est-il un peu brusque. (Note de Voltaire.)
  2. Je n’aime point Zoroastre au présent. Il me semble que ce prétend ne convient qu’à un auteur qu’on lit tous les jours.

    D’ailleurs Zoroastre n’est pas connu en Égypte, mais en Asie ; il n’attesta pas les mages, il les fonda. (Id.)

  3. Ces quatre vers sont beaux ; mais je dois vous redire que le saut de Zoroastre, fondateur d’une religion et d’une philosophie, à Burnet, dont on se moque, est un saut périlleux, et c’est aller d’un océan dans un crachat.

    Burnet parle du déluge, etc. On se soucie fort peu de tout cela. J’aimerais bien mieux mettre en beaux vers le sentiment de tous les philosophes grecs sur l’éternité de la matière, et dire quelque chose d’Épicure. (Id.)